À un mois de détention, des étudiants et adhérents de l’Autre Campagne subissent des injustices en prison.
Une chaîne de complicités avec l’impossibilité d’une liberté sous caution et une peine qui va de un à six ans.
Par Tatiana Romero et Juan Trujillo
Spécial pour Narco News Bulletin
29 avril 2007
Mexico, 26 avril 2007. « Cela fait treize jours que je suis enfermé ici et je ne sais pas pour combien de temps encore, et si je cherche une explication à pourquoi je suis enfermé, je ne la trouve pas et je n’arrive pas à comprendre », a déclaré à sa famille et à ses amis il y a quelques jours l’étudiant Ismael Gil Morales, détenu depuis exactement un mois au Reclusorio Oriente (prison de l’Est) à la périphérie de la capitale.
Ismael est étudiant à la faculté de philosophie de l’université nationale autonome de Mexico (UNAM) et également adhérent à l’Autre Campagne zapatiste. Lundi 26 mars dernier, après avoir terminé ses travaux académiques, il est sorti de l’université pour aller voir sa petite amie. Son voyage, commencé à la station de métro Universidad (sud de la ville), s’est terminé à sa seconde correspondance, à San Lazaro, sans atteindre sa destination Ciudad Azteca. À ce moment-là, selon son témoignage, il se trouvait dans un wagon lorsqu’une femme, âgée approximativement de 19 ans, a tiré le levier de sécurité déclanchant l’alarme. Sans grande surprise, elle l’a accusé de l’avoir touchée. Ismael a nié ces accusations, mais les policiers l’ont arrêté et, quelques minutes plus tard, lui ont passé les menottes et l’ont emmené à pied — avec la chaussure droite au pied gauche et vice-versa — depuis San Lazaro jusqu’à la station Pantitlan (à l’extrême est de la ville). Là-bas, ils n’ont pu réaliser les formalités « adéquates » et l’ont transféré à l’agence 50-C du Ministère public (MP), où ils l’ont retenu, privé de toute communication, jusqu’à sept heures du matin le jour suivant.
Des sources consultées par ce média affirment que dès l’instant où il est arrivé au MP, l’ordre de transfert à la prison de l’Est était déjà signé, sans même avoir enregistré sa déposition. Ce qui constitue un abus flagrant puisque la loi stipule que la déposition du délinquant ou criminel présumé doit être enregistrée immédiatement par le MP.
De l’attentat à la pudeur avec caution à l’agression sexuelle avec sentence
Le jour suivant, avant le transfert, l’avocat (imposé par les autorités judiciaires) s’est présenté et, sans opposer aucun type d’appel, a permis le transfert quelques jours après qu’a été prononcé l’arrêt de prison ferme. Cet homme, qui voulait se faire payer 30 000 pesos par la famille, a fait croire aux parents et amis qu’il n’était pas possible de faire sortir Ismael de prison sans avoir auparavant interposé un amparo [sorte d’*habeas corpus,* garantie de protection des droits fondamentaux contre des décisions judicaires], mais n’a jamais expliqué qu’Ismael avait été accusé d’« agression sexuelle aggravée », c’est-à-dire de viol avec soumission physique ou morale.
D’autre part, il convient de mentionner que dans le dossier, il n’y a aucun paragraphe médical qui corrobore ladite violence. La femme prétendument violée l’a accusé dans sa première déclaration de l’avoir « pincée » et dans la deuxième, elle rapporte qu’il lui aurait introduit la main dans le vagin et lui aurait touché les seins. Pourtant, le dossier consulté ne fait apparaître aucune donnée en relation avec la déclaration précédente, tant et si bien que les circonstances aggravantes du délit ne devraient pas exister. La nature de ce délit annule la possibilité dune sortie sous caution d’Ismael puisque la peine atteint entre un et six ans.
Le procès a été couvert d’irrégularités : depuis son illégal et humiliant transfert jusqu’à l’avocat qui n’a opposé aucun recours légal (après la prononciation de l’arrêt de prison ferme), la signature du juge qui a requalifié le délit commis (sans avoir auparavant dûment étudié le dossier, car, s’il l’avait fait, il se serait rendu compte que les circonstances aggravantes n’existaient pas et le délit aurait été un simple attentat à la pudeur avec possibilité de libération sous caution), le fait qu’il ait été détenu pour « attentat à la pudeur » et qu’il ait été ensuite accusé d’« agression sexuelle », son transfert immédiat à la prison et, finalement, les actions évasives que le juge a données au nouvel avocat pour qu’il puisse prendre la charge de représentant légal d’Ismael.
L’argent, base de la survie
Et tandis que membres de la famille, amis et professeurs se solidarisent avec cet étudiant en études latino-américaines, réalisant des actions pour sa libération rapide, les sources consultées affirment qu’il a déjà été victime d’une ratonnade qui l’a blessé physiquement et psychologiquement. De la même manière, les conditions rencontrées dans sa première cellule étaient particulièrement déplorables : la cellule — qu’il partageait avec 23 autres inculpés, dont vingt étaient détenus dans des conditions similaires et accusés du même délit — était infestée de cafards, de punaises, de poux et de toutes sortes de parasites, et il y existait un environnement extrêmement propice à diverses infections : aussi bien de la peau que gastro-intestinales ou respiratoires. Plus particulièrement, Ismael a souffert d’une laryngite, qui, avec les jours, s’est calmée. Cependant, l’infection aux yeux persiste puisqu’il n’est pas facile d’obtenir des médicaments si l’on n’a pas d’argent pour payer.
L’argent est essentiel pour pouvoir survivre à l’intérieur de la prison, selon les informations recueillies par ce média auprès de nos sources, pas seulement pour ne pas être frappé mais également pour pouvoir téléphoner (même en possession d’une carte téléphonique), aller aux toilettes, se laver le visage ou les mains, y compris pour pouvoir dormir par terre — ce qui coûte vingt pesos par nuit —, et si le prisonnier ne les a pas, comme c’est le cas d’Ismael, il doit dormir debout.
Aujourd’hui, Ismael se trouve au Centre d’observation et de classification (COC) où les conditions sont encore pires. La nouvelle torture de bienvenue commence par vingt tours à croupetons et en appui sur les jointures des mains autour de la cour du centre. Les bien connues « raclées ».
L’audience pour compléter sa déclaration aura lieu le 3 mai. La défense juridique ne propose pas de plaider l’innocence mais d’éliminer les circonstances aggravantes (agression sexuelle aggravée) pour qu’il puisse sortir sous caution. L’objectif principal de l’avocat est « le faire sortir de là, ensuite, on verra ».
Ce sont les conditions d’un adhérent de la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone publiée par l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) en juillet 2005 — document avec lequel a été impulsée l’Autre Campagne —, pas seulement celles d’Ismael mais celles de beaucoup d’autres détenus et prisonniers politiques qui, puisqu’ils sont innocents, grossissent les listes de prisonniers politiques dans tout le pays.
D’après les informations d’Ana Calderón, compagne d’Ismael.
mariavonmagdala@gmail.com
janantik7@gmail.com
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