English | Español | Português | Italiano | Français | Deutsch | Nederlands | August 15, 2018 | Issue #61 | ||
Un leader paysan du Chiapas incarcéré traité pire qu’un chef de la drogueLe gouvernement transfère «Don Chema » vers une prison fédérale de haute sécuritéPar Kristin Bricker
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Don Chema est sorti dans un communiqué de presse gouvernemental le lendemain. Comme il il est d’usage avec quasi tous les membres du crime organsiné, le gouvernement a joint une photo d’identité judiciaire de Don Chema (flanqué de deux policiers) au communiqué de presse. La presse a publié la photo de Don Chema avec les policiers, comme si le gouvernement avait arrêté un des membres « les plus recherchés » du crime organisé.
Après avoir passé 16 jours dans la tristement célèbre prison de El Amate, la police fédérale a soudain transféré Don Chema vers une prison de haut sécurité de l’état de Nayarit. Le gouvernement n’a informé ni la famille de Don Chema, ni son avocat de son transfert.
A Nayarit, les codétenus de Don Chema incluent des membres de Los Zetas (ex soldats d’élite de l’armée mexicaine qui actuellement servent d’armée privée du cartel du Golf), des membres de l’organisation de trafic de drogue des frères Beltran Leyva, des membres l’organisation criminelle La Familia et les 51 gardes de prison et fonctionnaires qui ont aidé les 53 Zetas à s’évader d’une prison de Zacatecas, parmi d’autres poids lourds du monde du crime organisé.
L’un dans l’autre, Don Chema a tout l’air de recevoir le traitement type réservé à un membre haut placé du crime organisé.
Mais Don Chema n’est pas un baron de la drogue; c’est un leader paysan. Son organisation, l’OCEZ, occupe des terres afin de les légaliser (c’est-à-dire obtenir des titres de propriété) pour les redistribuer aux paysans du Chiapas. Tandis que la plupart des chefs de la drogues vivent dans de luxueuses maisons de la banlieue ultra chic de Mexico ou dans de beaux ranches isolés en pleine montagne, Don Chema vit dans une petite maison de deux chambres en parpaings et fibrociment (logement social en fait), au bord d’un chemin de terre de la petite communauté paysanne du Chiapas du 28 juin.
Maintenant qu’il est dans une prison fédérale de haute sécurité, Don Chema aimerait bien être chef d’un cartel. D’après le Centre des droits humaines de Fray Bartolome de las Casas (Frayba), « les prisons fédérales de haute sécurité sont connues pour leurs méthodes de punition ». Les prisonniers de haute sécurité sont maintenus presque constamment dans un état d’incommunication. Les nouveaux venus comme Don Chema sont souvent maintenus en isolement pendant 15 à 40 jours. Les prisonniers n’ont le droit de recevoir des visites que tous les 8 jours et des appels téléphoniques d’un durée de 10 minutes tous les 10 jours. Priver les prisonniers de leur droit aux communications téléphoniques et aux visites est une punition courante.
A Nayarit, Don Chema est à 26 heures, 1,400 MXS (111 USD$) de voyage en bus de sa famille et de la OCEZ, qui a monté une campagne politique pour sa libération. « Et ce temps et cet argent n’incluent pas le trajet de retour. Le gouvernement a offert de payer les billets d’avion à sa famille pour qu’elle rende visite à Don Chema (mais il avait déjà proposé de payer les coûts d’hospitalisation des blessés et ne l’a jamais fait) mais il n’a pas proposé de payer les billets d’avion pour son avocat.
Les frères Cerezo récemment libérés, quant ils étaient prisonniers politiques, sont passés par presque toutes les prisons fédérales de haute sécurité. Hector Cerezo rapporte que les gardes de prison frappent les nouveaux venus pour « leur apprendre qui est le chef ».
Hector Cerezo rapporte aussi que dans les prisons de haute sécurité « il n’y a pas d’école, ni travail, ni peinture, ni musique, ni théâtre. La seule chose qu’ils te permette c’est un livre que te prête l’institution qui te donne une liste où tu en choisis un ».
Par contre, le chef de la drogue de Sinaloa Joaquin « El Chapo » Guzman a sûrement fait une expérience différente durant son séjour à la prison fédérale de haute sécurité. Le journaliste mexicain Ricardo Rravelo écrit dans son livre « los Capos » que El Chapo et ses plus proches collaborateurs jouissaient de beaucoup de privilèges. Il raconte que des prostituées rendaient régulièrement visite aux hommes; on leur apportait de l’extérieur des steaks et autres plats favoris; et les gardes de la prison permettaient au Chapo de tendre un drap à travers les barreaux de sa cellule de prison pour plus d’intimité. Ravelo rapporte les rumeurs qui raconte que le Chapo sortait même de prison de temps en temps pour aller manger dehors. Le Chapo jouissait de tant d’avantages dans la prison qu’en début 2001 il s’est évadé sans qu’une seule balle ait été tirée.
A la manière qu’a le gouvernement de le traiter, il est facile d’oublier que Don Chema n’est ni un baron de la drogue, ni même un lieutenant, ni même un petit dealeur du coin . Don Chema n’est même pas accusé de délit fédéral ; ses accusations relèvent du ressort de l’Etat. Alors pourquoi Don Chema est-il dans une prison fédérale?
Actualisation 23 octobre : Nous avons de nouveaux rapports qui contredisent ce qu’on dit au départ la Jornada et d’autres sources d’information.. Comme il est dit plus haut, La Jornada a rapporté qu’un véhicule (sans doute de police) a ouvert le feu sur la camionnette de l’OCEZ, entraînant la mort de deux de ses occupants. Une autre source proche de la Communauté rapporte que la police n’a pas ouvert le feu en fait mais qu’elle a donné l’ordre de « sortir la camionnette de la route » ce qui est arrivé, que la police ait tiré ou pas. Ce qui a toujours été clair c’est que l’accident, et non les balles, ont tué les deux passagers.
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