Le sous-commandant Marcos en visite chez les colons de Morelia : « Les gens doivent s’organiser pour qu’on leur obéisse. »
Au troisième et dernier jour de sa visite dans la capitale du Michoacán, le sous-commandant Marcos a promis sa solidarité aux colons de Morelia en lutte pour la préservation de la colline de Santa María, seule colline boisée subsistant dans la région
Par Murielle Coppin
Spécial pour Narco News Bulletin
6 juillet 2007
Morelia, 13 juin 2007. Après cent jours de campagne et d’actions ininterrompues contre la construction d’un « mégatunnel », d’un centre commercial et d’une route à quatre voies vers une zone résidentielle exclusive (avec écoles et universités privées), les colons (« habitants ») du quartier « Bosques Camelinas » ont souhaité la bienvenue aux 300 visiteurs et au délégué zéro, « l’homme éveillé », « celui qui n’est pas touché par la séduction, avec les deux pieds sur terre et le cœur plus bas encore que ses chaussures ».
D.R. 2007 Murielle Coppin |
« Sa présence nous a donné un souffle de vitalité et nous encourage à continuer la lutte pour la défense de cet espace naturel », l’a remercié une voisine pour sa visite du quartier, avant de s’exclamer fermement : « À la colline, on ne touchera pas ! Le tunnel ne passera pas ! » Elle a dénoncé le gouverneur du Michoacán, Lázaro Cárdenas Batel, déplorant qu’il ne leur ait servi à rien en leur exposant le problème le 8 mai dernier : « Les rapports techniques de l’université du Michoacán et de l’UNAM [sur les risques] ne servent à rien, ni les cris qui se font entendre dans les logements, ni le parc dédié à son grand-père, le général Lázaro Cárdenas, qui a converti cette zone en réserve forestière. » Elle est d’avis que les 200 millions de pesos destinés à ces « mégatravaux » pourraient mieux servir, étant donné que l’État du Michoacán occupe le 29e rang sur 32 quant à l’indice de développement humain de la république mexicaine. Rien qu’à Morelia, nombreuses sont les communes qui manquent d’eau, de pavement, de système d’évacuation et de services basiques de santé. Elle s’est plaint que cela n’allait pas résoudre les problèmes de la société civile et que ça ne servait que les intérêts des grands propriétaires du quartier et des centres commerciaux, en premier la famille Medina. Terminant son adresse publique, elle a dirigé un message à Lázaro Cárdenas Batel : « Monsieur le gouverneur, votre ambivalence et votre silence, votre ambiguïté dans le discours ne satisfont pas la société civile du Michoacán ; vos déclarations radiophoniques sont incomplètes, manquent d’engagement et, par conséquent, représentent une réponse irresponsable ; votre sexennat est le résultat d’une gouvernance très mal comprise et d’une mise en pratique encore pire. » Le gouverneur fut aussi vigoureusement décrié par le délégué zéro : « L’incapacité du gouvernement [d’État] pour garantir la sécurité de ses gouvernés est visible. Il a besoin de la fédération, de l’armée, de l’AFI [Agence fédérale d’investigation], de la
PFP [Police fédérale préventive] pour prendre soin du peuple, du début de sa campagne jusqu’à ce qu’il demande à quelques-uns des cartels de s’allier à lui pour tenir la gouvernance… Celui qui commande, c’est celui qui a l’argent, il n’y a plus de représentation. S’il y en avait, Il serait déjà venu pour les consulter et leur demander de jeter un œil sur l’affaire. » Dans le cas de la colline de Santa María, les délégués municipaux sont venus fin janvier présenter le projet, déjà bouclé, en Power Point lors d’une réunion fixée deux heures auparavant.
Dans une interview à Narco News, Berta, voisine et adhérente à l’Autre Campagne, a expliqué que, grâce aux différentes études faites par les habitants, ils se sont rendu compte que les travaux, en plus de n’être pas viables pour des raisons techniques, étaient totalement illégaux : « Il n’y a pas de permis du Semarnat [secrétariat à l’Environnement et aux ressources naturelles] pour le changement de l’usage du sol, et toutes les conditions requises par le Suma [secrétariat à l’Urbanisme et à l’environnement] ne sont pas réunies quant aux études hydrologiques et des sols. C’est pourquoi la Protection civile n’a pas encore donné de permis. » Elle a dénoncé l’ambivalence du discours du gouvernement qui prétend agir conformément à la loi mais qui, dans le même temps, analyse comment exécuter toutes les conditions. « Mais, a-t-elle dit, qu’ils remplissent les conditions ou pas, nous, nous ne voulons pas du tunnel et nous continuons à lutter. »
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En ce qui concerne les luttes sociales, Marcos a souligné la force que donne l’organisation car « nous avons déjà vu ce film, quand nous parcourions le pays en 2006 ». Et le film, c’est ça : on va dynamiter et détruire la colline, ce qui affectera les fondations des constructions, ensuite le prix de votre maison va baisser, et on va vous convaincre de vendre. On va vous diviser. On va vous promettre de vous indemniser et on va vous déplacer à un autre endroit. « On ne vous balance que des mensonges », a déclaré le porte-parole des zapatistes, et il a fait allusion au cas de l’aéroport de Mexico où les
colons ont été trompés. Selon le sous-commandant, les gouvernements sont des intermédiaires, des « coyotes », qui dépouillent les gens à l’aide de lois pour ensuite vendre les terrains aux entreprises. « Ils disent que nous devons être favorable au progrès, mais quand on parle de progrès, il faut se demander : le progrès de qui ? de Carlos Slim ? Ce sera la misère pour toute la classe moyenne, car, en plus, il n’y a pas de juste milieu dans cette guerre : ou tu es conquérant, ou tu es conquis. » Par ailleurs, ce ne sont pas seulement les
colons de la classe moyenne vivant dans ce quartier qui vont être impliqués, mais tout Morelia. Le délégué a précisé sa pensée avec une comparaison : « La terre est comme un corps humain. Ils — ceux d’en haut — te persuadent que tu peux te couper un bras pour le progrès, mais ce serait couper à Morelia une part essentielle de sa vie. »
C’est pourquoi il a souligné combien il était important que le mouvement de résistance citoyenne se généralise et reste indépendant : « Le mouvement va continuer, il va triompher s’il est vôtre… Il faut prendre son destin en main, peu importe qui commande… Ça fait des siècles que nous sommes les professionnels de la défaite. Nous devons commencer à triompher… »
Dans le climat des prochaines élections municipales et de l’État du Michoacán, prévues au mois de novembre, le délégué a fait la réflexion suivante aux électeurs potentiels : « La participation du citoyen au processus électoral est une décision libre et souveraine… Nous ne décidons pas pour qui tu dois voter ou ne pas voter, cette décision, prends-là, mais demande-toi si ça suffit. Nous avons déjà vu que ça ne suffisait pas, qu’il n’y a pas de gouvernement qui respecte ses engagements envers nous, et, au lieu de d’attendre que vienne une lueur d’espoir, nous nous organisons pour exiger. » À la question de la presse locale qui lui demandait quelle était sa vision du PRD [Parti de la révolution démocratique], le parti le plus fort au Michoacán, il a répondu : « Le PRD, à sa naissance, était un mouvement légitime de gauche, qui, sur le trajet, a laissé tomber ses principes et son identité… Les grands collaborateurs du mouvement d’Andrés Manuel López Obrador sont des ex-priistes [partisans du Parti révolutionnaire institutionnel, PRI] ou des ex-panistes [partisans du Parti d’action nationale]. Quand le PRD décide d’un candidat, ils ne choisissent pas quelqu’un de la base, mais celui qui a le plus d’argent pour payer la campagne. »
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