Qui peut emprisonner la fureur d’un volcan ?
Lettre de « Nacho » del Valle, condamné à 67 ans de prison, depuis le « camp d’extermination de La Palma ».
Par Ignacio del Valle
Front des peuples en défense de la terre, Atenco, Mexique
7 mai 2007
Introduction : bref rappel des luttes d’Atenco
Un an après l’attaque brutale par la police de la ville de San Salvador Atenco au Mexique, des peines de prison de 67 ans ont été infligées à trois des leaders du Front des peuples en défense de la terre (FPDT), Ignacio del Valle, Felipe Alvarez et Hector Galindo, en représailles de la résistance des habitants à l’expropriation de leurs terres pour y construire un aéroport.
Les 3 et 4 mai 2006, deux jeunes gens ont été tués à Atenco et à Texcoco, et 207 personnes ont été emprisonnées, la plupart ayant été torturées, en particulier 26 femmes ont été violées lors d’un transport en bus d’une durée de six heures. Pourtant, aucun des policiers criminels ou tortionnaires n’a été inquiété par la justice. Depuis une année, 28 personnes sont en prison, sans jamais avoir été libérées sous caution, et 172 autres sont inculpées (la plupart pour le blocage d’une autoroute et 26 pour enlèvement).
Les trois leaders du FPDT ont été jugés et condamnés pour le crime de kidnapping, une charge exagérée pour la séquestration de quelques fonctionnaires pendant de courtes durée en février et en avril 2006. Les trois hommes font face à d’autres inculpations encore, en relation avec les événements des 3 et 4 mai.
À l’occasion d’une semaine de manifestations de soutien aux prisonniers, dont deux avaient à leur tête le sous-commandant Marcos et des membres de la Commission Sexta de l’Autre Campagne, plusieurs messages des prisonniers ont été lus, dont cette lettre d’Ignacio del Valle.
Lettre d’Ignacio del Valle depuis la prison d’extermination de La Palma
4 mai 2007
Frères, compañeros, compañeras,
Du plus profond de nos cœurs, je vous envoie un salut et une accolade fraternels, vous souhaitant sérénité dans vos cœurs et harmonie dans vos actes, et suivant toujours la même étoile : le chemin qui nous conduit au rêve auquel nous aspirons et que nous conquerrons ensemble en dépit de la route de douleur et de colère que cela implique.
Je sais que sont présents ceux qui doivent l’être : ceux qui ont fait leur notre douleur et notre rage, notre impuissance et nos cris ; ceux qui, en silence, ont toujours supporté, résisté, marché, construit les sentiers qui attendaient nos pas, participé dans l’unité ; les horizons que nos grands-parents ont forgés dans la douleur et la mort, sans se vendre, sans se soumettre, mais s’offensant et brandissant dans leurs poings mille futurs comme autant de drapeaux flottant vers l’aurore de l’espoir.
Cela fait un an aujourd’hui que la bête nous a attaqués, offensant nos sentiments les plus sacrés, et ce, de la façon la plus lâche et la plus vile, laissant une blessure profonde qui nous fait trembler de rage, une blessure inoubliable qui nous pousse à redoubler d’efforts pour continuer à avancer et à ne jamais nous arrêter, même si le chemin est long, tortueux et rempli de dangereux pièges qui nous menacent sans cesse. Nous sommes un ruisseau qui, à l’appel de la pluie, formera des torrents afin que, ensemble, nous noyions la bête, brisant avec fracas les fers qui emprisonnent nos rêves les plus sublimes de justice et de liberté.
À tous : notre gratitude jaillit de nos sentiments qui ont survécu à l’attaque impitoyable qui a rempli nos âmes et notre chair de blessures, de peur et de douleur. Face au drame de la répression et de l’attaque enragée contre notre peuple, comment oublier votre aide fraternelle et déterminée qui, teinte du sang versé, nous a donné l’audace de dire : « Ça suffit ! », « Pas de présents accompagnés de mensonges de bonne volonté et de pardon ! ». Car comment comprendre la bonne volonté si l’on nous exploite, nous humilie, nous assassine au nom du droit et on nous retire la force créatrice avec laquelle nos mains forge la vie ? Comment comprendre la justice si elle nous stigmatise et nous salit en nous traitant scandaleusement de délinquants ? Et si, face aux réclamations de notre peuple, ils se posent en victime ? Appliquant les mesures les plus perverses pour imposer leurs conditions répressives, établissant la peur pour donner une leçon.
Mais après tout, la bête recommence à se tromper, car qui peut emprisonner la fureur d’un volcan, le silence d’un siècle qui explose de rage et de douleur ? Qui a pu emprisonner les innombrables battements d’ailes libertaires comme des lumières enflammées écartant la brume qui emprisonne nos rêves ? Qui a pu emprisonner la lumière qui envahit enfin nos désirs, qui frappe par son appel afin de nous réveiller et de nous conduire par-delà les horizons de justice et de liberté ? Qui peut retenir l’avancée de tes pas ?
À tous les frères et à toutes les sœurs, je réitère notre reconnaissance, notre respect d’humains et notre gratitude pour votre solidarité révolutionnaire.
En tant que collectifs et organisations de toutes tailles et de toutes importance, de tous les secteurs, habitants, étudiants, paysans, frères indiens, de la ville, de la campagne ou des montagnes, la lutte continue.
La prison terrorise, mais elle ne tue pas ; celui qui meurt, c’est celui qui se soumet, celui qui se rend.
Depuis la prison d’extermination de La Palma.
IGNACIO DEL VALLE
Front des peuples en défense de la terre.
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