Éclaircir pour avancer
A cent jours de la Commune de Oaxaca, cet assaut du ciel est possible
Par Alberto Hijar
Por Esto!
31 aoüt 2006
La globalisation forcée et sauvage et l’effondrement des socialismes soviétique et européen exigent la déconstruction des bloques historiques de pouvoir. Au Mexique, l’échec du PRI s’inscrit dans la liquidation économico-politique du soi-disant Etat bienfaiteur de légitimation corporative. Les échecs du PRD comme reliquat de la gauche partisane eurocommuniste, la nationaliste et celle des socialistes respectueux de l’Etat, ne sont pas absolus mais se maintiennent socialement dans l’espoir d’atteindre la Présidence accompagnée de sa représentation parlementaire correspondante, étatique et municipale où n’ont pas de place les organisations sociales de base en face des magouilles politiques dénuées de principes.
La politique comme exclusivité d’une classe qui négocie au dos du peuple et de la part de l’état, réduit la place du peuple à l’identité que lui octroie les sommets du pouvoir nationaliste de l’Etat. Le pouvoir populaire d’autogestion et autonome reste réduit à la marginalité et à la précarité.
Le bloc historique de gauche étatique différencie dans la lutte la part nationaliste essentiellement opposée à toute organisation du pouvoir populaire pour la substituer à des représentations illégitimes dans leur acharnement à préserver le pouvoir étatique à tout prix. D’où ses alliances dégoûtantes opposées à toute critique de principe, d’où son inauthenticité comme gauche.
La gauche en tout cas et face à la crise aigue de l’Etat-nation, non seulement du gouvernement et non seulement au Mexique, se définit comme propitiatoire de l’extinction de l’Etat capitaliste pour l’émergence au pouvoir de la nation rassemblée et intégrante. La phase historique, à partir de cette stratégie, est la construction du pouvoir populaire comme pouvoir du prolétariat grossi des non salariés proches ou intégrés à la dite économie informelle.
Pour la fausse gauche enracinée dans l’Etat et la défense de ses institutions, le peuple est sujet passif car il doit être représenté par le chef et le sommet. L’assemblée, la Convention Nationale Démocratique, est un rite, une procédure de légitimation à eux où la pratique de la souveraineté populaire n’a pas de place. Il s’agit enfin de proclamer le chef comme président rebelle ou intérimaire ou responsable du gouvernement ou provisionnel et d’assumer comme stratégie sa lutte personnelle accompagnée par la coordination improbable d’intérêts de députés, sénateurs, délégués d’assemblées, gouverneurs, maires et chef de gouvernement du D.F. que l’on considère paradoxalement légalement élus. L’incongruité de l’acceptation d’une partie du processus électoral serait résolue en terme de stratégie de lutte de l’extérieur coordonnée par la lutte de l’intérieur pour laquelle il est nécessaire un parti politique clair dans son programme, dans sa stratégie et dans ses tactiques, chose qui n’existe pas au Mexique.
Le programme de la fausse gauche est d’un nationalisme proche de l’impérialisme de monopole d’Etat avec sa revendication de souveraineté dans le maniement de l’énergie et du territoire comme si la corruption de PEMEX et du secrétariat à l’Energie n’était pas proverbiale. Ils promettent aussi des services publiques conformément à la consigne « d’abord les pauvres » sous contrôle étatique évidemment et en même temps des réformes de l’Etat visant l’amélioration de la justice corrompue, les droits du travail violés et la campagne ravagée. Mais la pratique démontre une autre tendance : le gouvernement de Lopez Obrador dans le D.F. (Mexico) a agit comme personne contre le droit du travail le plus élémentaire, comme ceux qui ont livré le Centre Historique aux mains des entreprises de Carlos Slim pendant que la culture populaire était réduite au divertissement pour arriver à faire du Zocalo le territoire de l’industrie du spectacle avec concerts de masse de promotion de disques et télévisuelle et un ou deux mouvements populaires sous contrôle de ceux qui sont montés sur les tréteaux.
Cette grande marche contre la destitution de Lopez Obrador s’avéra emblématique avec sa multitude de contestataires, ses brigades de partisans PRD lui demandant de passer sous silence les grandiloquences et avec une tribune où les organisations de base brillaient par leur absence en échange de la présence de personnages rejetés du parti du PRI, d’hommes d’état comme ils aiment s’appeler. C’est éloquent l’exaltation que fait La Jornada des figures spectaculaires comme Jesusa Rodriguez, la Poniatiwska ou Taibo II pour nous faire croire que le grand sitt’in de 9 kilomètres du Paseo de la Reforma bouillait d’activité culturelle. Dans la participation instrumentée de groupes comme le Cœur des Pejeviejitos et la présence d’artisans et de musiciens de quartiers, réside la preuve que les travailleurs de la culture ne sont jamais pris en considération, ni promus par le gouvernement du D.F. Cela se doit à la nécessité de maintenir l’organisation populaire dans les limites de son instrumentation à l’appel des dirigeants.
Attendre le désenchantement des membres de la convention du 16 septembre est criminel. Bien que nous sommes peu nombreux à prévoir la conscience malheureuse du peuple contestataire à cause de la fraude électorale sans plus, dès à présent et même depuis longtemps, nous avertissons de l’urgence de construire un pouvoir populaire réellement souverain, avec un programme à long terme contre l’Etat oppresseur et répresseur. Nous prenons comme exemple le Front des Peuples en Défense de la Terre qui put être le premier Caracol avec ses Assemblées de Bon Gouvernement, une goutte d’eau dans le Distrito Federal. D’où la répression démesurée qui n’a pas mérité le moindre commentaire de l’Alliance pour le Bien de Tous (PRD) diminuée par le renoncement prévisible à la Convergence.
Aucun parti ne protesta contre les félicitations qu’adressa le Secrétaire du Gouvernement au cours de la réunion des Gouverneurs présidée par Vicente Fox en reconnaissance du maintien de l’ordre et de la loi au criminel Peña Nieto, responsable de la répression d’Atenco, comme Lazaro Cardenas Batel, agresseur des mineurs de SICARTSA en lieu et place de son grand-père. L’Assemblée Populaire du Peuple de Oaxaca ne mérite pas non plus l’attention des partisans PRD malgré la preuve concrétisée de pouvoir populaire dans la capacité de repli et d’organisation accrue à la suite de l’évacuation qu’elle endura le 14 juin. La réinstallation des campements accompagnés par l’autodéfense nécessaire et les mesures de sécurité correspondantes, notamment l’occupation des 11 bureaux du gouvernement et de Radio et Télévision de Oaxaca qu’utilisera le gouverneur répudié Ulises Ruiz pour sa propagande à sa décharge. Ce fut la réponse à l’agression des paramilitaires protégés par la police municipale et fédérale qui brûlent les bus, tirent des coup de feu, tuèrent cinq militants et jetèrent de l’acide sur la console de Radio Universidad. Les radios La Ley et Oro sont maintenant des moyens de communication avec une ligne téléphonique ouverte pour recevoir les messages, commentaires et critiques du mouvement qui s’est développé dans tout Oaxaca avec occupation des mairies, assemblées locales et régionales et tactiques d’autodéfenses adéquates au moment. Tout ce que l’ennemi privatise et corrompt, il faut le libérer et le socialiser, comme cela s’est produit avec la Guelaguetza obstaculisée comme business touristique et réconquise comme legs des paysans qui invitent les producteurs de toute la richesse, les ouvriers à s’incorporer à la fête de l’intégration du travail et du plaisir.
Il semble que l’Autre Campagne attend de voir passer les cadavres de l’étatisme populiste et de brandir, une fois de plus, les drapeaux de la gauche d’en bas. Mais au cours de la Rencontre Indigène célébrée à Campeche, le Délégué Zéro salue l’APPO et demande de ne pas se méprendre devant le silence de ceux qui sont détachés du temps électoral de l’Etat pour construire en échange le temps libertaire et de nouveaux territoires. En tout cas de nombreux adhérents seront à la Convention Nationale Démocratique peut-être pour dénoncer l’expropriation de l’appellation donnée par le EZLN à la réunion fin 1994 dans le Chiapas. Comme ils ont été maintenus en qualité d’adhérents sans précision de leurs droits et obligations, comme il n’y a plus de Front Zapatiste civil, l’allégeance de chaque organisation s’accordera à son savoir et son discernement pour donner lieu à une relation complexe avec la fausse gauche étatique et institutionnelle.
Ce qui est sûr c’est que face à un bloc de droite patronal corporatif et globalisateur avec des chambres d’industrie et des monopoles et des cartels associés à l’état administrateur de la plus grande concentration de richesses, d’ici au premier décembre, quand le pantin de droite de service prendra position à feu et à sang et avec fort verbiage télévisuelle, il faudra que se développe un programme national de lutte à parti d’Atenco, de Oaxaca, de l’Autre Campagne, de l’Assemblée Populaire de Michoacan et celles qui suivent, des ouvriers contre le charisme et pour les conseils d’ouvriers en exercice de la souveraineté du peuple stipulée dans l’article 39 de la constitution.
A 100 jours de la Commune de Oaxaca, cet élan à l’assaut du ciel est possible. La commune de Paris dura environ 50 jours en 1871, de même le soviet de San Petersburg en 1905 ; Les révolutionnaires euro-centristes font de ces évenements l’exemple à suivre. Aujourd’hui il s’agit de revendiquer les 100 jours de résistance de Oaxaca comme point de départ exemplaire de l’histoire et de la géographie qui conduisent à la nouvelle nation intégrante et d’une merveilleuse complexité. Le grand obstacle historique de l’Etat-nation nanti encore du pouvoir de convaincre, a initié sa chute définitive non sans se montrer dans toute sa dangerosité avec le seul recours qui lui reste : le pouvoir militaire et policier associé à la désinformation télévisuelle, radiophonique et journalistique. Il faut agir en conséquence en opposant au discours- sermon étatique présidentiel l’information du peuple qui lutte.
Traduction en français : Claudine Madelon, 6 sept 2006
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