Rectificatif et actualisation de l’article du massacre de Viejo Velasco au Chiapas
La bonne nouvelle : certains de ceux rapportés comme morts sont vivants.
La mauvaise nouvelle : d’autres furent massacrés et le conflit continue
Par Al Giordano
L’Autre Journalisme avec l’Autre Campagne au Chiapas
16 novembre 2006
Dans ce journal nous croyons que si une erreur grave est commise à l’impression, sa correction ne doit pas être reléguée dans un coin (ce que font les journaux commerciaux) mais au contraire doit recevoir le même emplacement que l’erreur initiale – dans ce cas, dans une page avec un titre et un texte. A cette fin nous déplorons l’erreur de lundi rapportant la mort de plusieurs civils au Chiapas et cependant nous sommes aussi soulagés de rapporter qu’ils ont survécu le massacre du Lundi Noir. Ce sont : Maria Perez Perez, Maria Perez Hernandez, Eliver Benitez Perez, Domingo Perez Lopez, Felicitas Perez Parcero, Nolé Benitez âgé de huit ans et « le nouveau né non encore baptisé » mentionné dans notre premier rapport.
Ces noms étaient sur un document écrit à la main remis à Narco News (et publié en document .jpg) par des membres de la famille qui croyaient et se lamentaient que leurs parents étaient morts. En fait ils avaient fuis dans la forêt, abandonnant leur village de Viejo Velasco Suarez en proie à l’attaque d’environ 240 assaillants. Les faits suivants sont fondés sur un témoignage recueilli par les organisations des Droits de l’Homme qui envoyèrent des enquêteurs sur place : le Comité de Défense de la Liberté des Indigènes Xi’nich, le Centre des Droits Indigènes (CEDIAC), le Centre des Droits des Femmes de Chiapas, Bois pour le Peuple, la Maison pour le Soutien des Femmes Ixin Anzetic, le Centre des Fray Pedro de la Nada, l’association pour le Développement la Communauté et de la Santé et le Centre des Fray Bartolomé de Las Casas (« Frayba »). Un document pdf de leur rapport se trouve sur le site Internet Frayba.
Uniformes paramilitaires
La première vague, de 40 assaillants, arriva en habit de civils, armés de machettes et de bâtons, criant des insultes aux familles de Viejo Velasco. La nature paramilitaire des assaillants soulignée par le fait qu’ils furent suivis par une seconde grande vague de deux cent attaquants : beaucoup portaient des uniformes d’officier de police, d’autres des uniformes noirs et étaient munis d’armes à feu exclusivement permises aux Forces Armées et aux agents de police (armes semi-automatiques M-16 et R-15, pistolets de calibre 22 et fusils). Les assaillants arrivèrent de la communauté voisine de Nueva Palestina, à environ 6 heures du matin, lundi. Immédiatement après le début de l’attaque, un hélicoptère non identifié survola la communauté en décrivant des cercles à basse altitude. Ce ne fut pas avant 10 heures du matin que d’autres hélicoptères atterrirent dans la communauté, un du Ministère de la Justice et trois de la police d’état.
Maria Nunez Gonzales, 32 ans, rapportée comme morte lundi, ne fut pas aussi chanceuse que les survivants. On retrouva son cadavre. D’après les rapports des Droits de l’Homme, les assaillants la violèrent avant de la tuer. Filemon Benitez Perez, 20 ans, et Antonio Mayor Benitez Perez, 30 ans, s’avèrent morts aussi.
Des villageois rapportent aussi avoir été témoin de la mort de Juan Penate Montejo. Les organisations des Droits de l’Homme listent aussi les personnes suivantes comme disparues : Mariano Perez Guzman (« 60 ou 65 ans ») et Miguel Moreno Montejo, 50 ans.
Deux autres personnes sont portées manquantes : une femme handicapée, Petrona Nuñez Gonzalez et son père, Pedro Nuñez Perez. Leur famille craigne qu’ils aient été enlevés et emmenés à Nueva Pamestina qui a été bouclé pour empêcher la presse et les observateurs des Droits de l’Homme d’entrer faire une enquête. Des personnes des communautés environnantes auraient dit aux observateurs des Droits de l’Homme que les assaillants avaient déclarés que « si il y a des blessés de Nueva Palestina qui meurent, les otages seront lynchés ».
Tout ce qu’avaient les familles victimes a été détruit au cours de l’attaque : leur maisons arasées, leurs biens, provisions et outils volés ou détruits. Les organisations des Droits de l’Homme rapportent que 23 hommes, huit femmes et huit enfants sont sans abris suite aux agressions.
Ce n’est pas un conflit ethnique
De nombreux comptes rendus de presse sur le massacre ont dit erronément que l’affrontement du lundi était un conflit « ethnique » entre les indigènes Lacandon et d’autres groupes indigènes. C’est faux. La majorité des agresseurs et des victimes étaient des indigènes Tzeltal (Nueva Palestina, la communauté agressée est de majorité Tzeltal et comprend aussi des Choles et des Lacandones). Les victimes étaient aussi Tzeltal et Choles. Les divisions ne sont pas à propos des frontières ethniques mais plutôt entre ceux qui ont des protections spéciales et des privilèges accordés par le gouvernement et ceux qui n’en ont pas.
La confusion provient peut être du fait que la communauté attaquante jouit de protection spéciale de la part du gouvernement dans le cadre « de l’accord Lacandon » signé en 1972 qui octroie aux Lacandones, à des Tzeltales et des Choles des droits exclusifs pour vivre dans la réserve naturelle de Montes Azules en échange de la cession du contrôle des forêts et d’autres ressources naturelles au gouvernement. La confusion provient aussi des préjugés racistes sur les indigènes au Chiapas. Certains rapports ont accusé les conflits « séculaires » entre les groupes indigènes. C’est aussi faux. Le gouvernement, en concédant des privilèges spéciaux à certaines communautés tout en en excluant d’autres, provoqua ce conflit sur les terres (l’histoire en est donnée dans notre article du lundi). Dès 1984, il y eut aussi des tentatives de la part du gouvernement pour résoudre les conflits en accordant aux citoyens de Viejo Velasco et à d’autres communautés affectées le droit de vivre sur leurs terres et de la travailler. Cependant la négligence des agences du gouvernement, l’incompétence, le mépris pour les us et coutumes des indigènes et le propre rôle du gouvernement dans le saccage du bois et des autres ressources naturelles de la région ont contribué à aggraver et entretenir leurs conflits. L’état continue de se conduire d’une manière qui suggère fortement que lui aussi ne veut pas de ces communautés indigènes dérangeantes dans une région riche en ressources.
Les médias ont aussi joué leur rôle : leur confiance dans les sources d’information gouvernementales (jamais précises, toujours intéressées) et leur tendance à toujours blâmer les deux côtés d’un conflit, ainsi que la manière irresponsable de recourir à ce canular de « conflits ethniques » pour expliquer des injustices enracinées dans de mauvaises politiques, ne sert qu’à aggraver la confusion et le racisme. Ce qu’implique de tels « rapports » c’est que les peuples indigènes sont incapables de se gouverner eux-mêmes (ce que contredit tous les jours plus d’un millier de communautés zapatistes dans le Chiapas) et par conséquent des gens de l’extérieur doivent les gouverner. Nous sommes peut-être dans une position fragile aujourd’hui pour faire cette observation, alors que nous publions un rectificatif au récit du lundi, mais presque tous les média d’information qui ont rapporté les événements du lundi ont fait des erreurs bien aussi graves – pas seulement au tribunal de la mort – et nous doutons que les rectificatifs, s’il en est, recevront le même emplacement que les fausses déclarations originelles.
Un seul secteur, à nouveau, a montré son engagement pour l’honnêteté des enquêtes, cette semaine, c’est celui des organisations des Droits de l’Homme de Chiapas susmentionnées qui ont rapidement corrigé les données imprécises initiales de leurs propres rapports, dont quelques uns étaient basés sur les mêmes documents que nous avions reçus ici. Elles ont répondu plus vite que les média en témoignant collectivement et en publiant la vérité des faits, qui démontrent que la gravité du massacre de lundi est pire que ce que les gouvernements et les média commerciaux ont admis jusqu’ici.
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