The Narco News Bulletin |
August 15, 2018 | Issue #45 |
narconews.com - Reporting on the Drug War and Democracy from Latin America |
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La section 22 du Syndicat National des Travailleurs de l'Education (SNTE) a décidé que la trêve demandée par le gouverneur était sans valeur et a pris le bureau local du Ministère de l'Intérieur (Segob) de la ville de Oaxaca le 21 février en même temps que 32 autres bureaux à travers l'état. Le mouvement de l'Assemblée Populaire s'est regroupé et a repris son souffle. C'est désormais une nouvelle phase de la lutte pour Oaxaca, ce que j'appelle la phase pré-électorale de 2007.
Sur le comment l'Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO) a été capable de reprendre sa force initiale, voici trois réponses : les professeurs, les peuples indigènes et la société civile.
Le ménage interne du syndicat a impliqué l'éviction de l'ancien secrétaire de la section 22 du SNTE, Enrique Rueda Pacheco, perçu comme un vendu. Le statut formel de Rueda apparaît sans rapport pour le moment ; il n'a plus de poids important dans les décisions du syndicat. La force de la section 22 a rebondi en dépit de la fracture causée par la collaboration du gouverneur Ulises Ruiz Ortiz (URO) du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) et de la présidente du SNTE national, Elba Esther Gordillo, membre du PRI. Entre les deux s'est créée la scission de la section 59 du SNTE, un groupe de 2 000 à 4 000 professeurs sur les 70 000 membres de la section 22. Avec la section 59, le Conseil Central de Lutte (CCL), monté par Ruiz, a bloqué 200 écoles, faisant un lock-out contre les professeurs de la section 22 en grève depuis plus de cinq mois. Les professeurs remplaçants, avec des parents favorables au gouverneur, ont refusé aux professeurs de la section 22 la permission de retourner dans leurs classes.
La lutte post-25 novembre a été violente, la police d'état entrant dans les classes pour arrêter les professeurs partisans de l'APPO et les deux factions syndicales en venant aux mains devant les écoles dans des endroits comme Juchitan. Près de Oaxaca, dans la banlieue de Viguera, selon un professeur qui habite là mais enseigne ailleurs, des gardes (appelés topiles dans les us et coutumes vernaculaires) patrouillent 24h/24 pour anticiper les invasions, la capture ou les tirs sus les résidents de Viguera.
Le Segob a négocié une pause dans la lutte mais n'a pas honoré sa promesse de rendre les écoles à la section 22. En représailles, près de 7 000 membres de la section 22 - pas des professeurs - aidés de membres et de sympathisants de l'APPO ont mené une opération de prise des 32 bureaux locaux de l'état suivant la décision du conseil d'état de l'APPO.
Cette reconnexion de l'APPO et du syndicat des travailleurs de l'éducation ramène beaucoup de la force perdue de l'APPO. Celle-ci a appelé à des protestations (la neuvième Mégamarche du 4 février) démontrant que l'APPO est en train de se remettre de la peur causée les semaines suivant l'attaque brutale et généralisée du 25 novembre par la Police Fédérale Préventive (PFP) et la chasse aux partisans de l'APPO qui s'en est suivie.
En plus de l'APPO et des professeurs, il y a maintenant la résolution des populations indigènes en jeu. Ce segment de la population - qui est effectivement le segment le plus important au Oaxaca - a fait un pas vers le mouvement. Le débat dans les localités indigènes pour auto-organiser une meilleure protection depuis des siècles d'oppression a fait surface. Il reflète deux options différentes. L'une, embrassée dans la zone de Juchitan, le sénateur Othon Cuevas du Parti de la Révolution Démocratique (PRD) en tête, cherche à former une alliance régionale forte. L'autre proposition, longtemps embrassée par la génération d'hommes comme Jaime Martinez Luna de Guelatao, est pour maintenir chaque communauté indépendante, dans une isolation virtuelle, et laisser le PRI extérieur faire ce qu'il veut en échange de la sécurité intérieure. La force du caciquisme était si intense et les gens si pauvres qu'ils étaient fortement dépendants des dons des caciques en ciment et en aliments de première nécessité. Martinez avait de bonnes raisons ; il y a une photo publicitaire dans Noticias du 22 février montrant URO donnant neuf millions de pesos aux « travaux d'éducation ». Peut-être Guelatao a perdu une partie de son intégrité même alors que le processus de relier les communautés de la Sierra Norte est en train de se faire, processus qui comprend la volonté de création d'une radio communautaire qui pourrait relier les villages et aider la participation à l'APPO. Les organisations locales ont été la norme et ces centaines d'organisations à base indigène existent toujours.
En outre, les familles indigènes qui ont migré vers les zones urbaines à la recherche d'emploi ont apporté avec elles leurs idées d'action collective et de soutien mutuel. C'est pourquoi les quartiers assiégés de la ville de Oaxaca ont eu pour acteurs principaux les pauvres sur les barricades et les femmes apportant de la nourriture. Les jeunes ont participé comme manifestants, « barricadiers » et messagers.
Les organisations civiles reprennent des rôles dirigeants bien qu'un certain nombre de partisans de l'APPO soient toujours dans la clandestinité. Du 23 février au 25 mars, un groupe composé de cinq organisations civiles parraine la « Rencontre Nationale pour la Communication et la Société » qui a attiré des participants d'Amérique Latine et du Mexique, aussi bien que de Oaxaca. L'assemblée indigène, comme l'assemblée d'état de l'APPO, appelle à la promotion de la radio communautaire. Les médias imprimés, internet, photo et autres seront discutés à la lumière de la répression et de la diffusion d'informations fidèles.
Un autre exemple du rôle croissant de la société civile est le forum qui continue « Dialogue pour la Paix et la Justice » qui se tient ce mois. Les organisations locales et nationales pour la défense des droits humains ont travaillé depuis l'attaque de novembre à la fois pour libérer les prisonniers et pour tenir des permanences de conseil pour les victimes de torture.
La dixième Mégamarche est appelée pour le 8 à l'occasion de la Journée Internationale des Femmes pour demander la libération des prisonniers politiques et aussi rendre hommage aux femmes de la lutte. Tous espèrent de cette prochaine marche qu'elle rendra sa pleine force au mouvement.
Une fois encore, le gouvernement inepte de Ruiz s'est tiré une balle dans le pied car la répression a été tellement vicieuse et insensée qu'il n'y a pratiquement plus un oaxaquénien qui ne dise pas qu'URO doit partir. De temps en temps, je parle avec ceux que je connais qui étaient contre l'APPO et le mouvement populaire et ils sont d'accord. Une de ces personnes, une trentenaire qui vit dans une banlieue chic et travaille dans un bureau, disait : « Nous pourrons voir après ça (son départ) ce qui sera possible. »
Jusqu'aux élections de l'état de Oaxaca le 5 août et ensuite jusqu'aux élections municipales du 7 octobre, URO essaiera de maintenir les apparences de la normalité. Il se rend à très peu d'événements publics, il apparaît plus ou moins furtivement dans un village et tout aussi furtivement disparaît après avoir coupé un ruban. Un intéressant aperçu du sentiment populaire : les députés d'état (qui peuvent désormais espérer une réélection) ont déjà déclaré une défaillance des pouvoirs dans la municipalité de Zaachila. Le maire José Coronel a été écarté (et rapidement renommé par URO à un autre poste gouvernemental) au profit d'un homme choisi par l'assemblée locale favorable à l'APPO durant l'apogée de la première phase de la lutte.
L'APPO a décidé de ne pas présenter de candidat et de maintenir sa position propre en tant qu'entité indépendante. Elle a voté dans son assemblée d'état que ceux qui désirent se présenter à un poste, pour n'importe quel parti, doivent démissionner de leurs positions au conseil d'état de l'APPO. Une décision parallèle a été l'appel à un nouveau « vote punitif » comme celui du 2 juillet 2006.
Le grand avantage de la saison électorale est l'évidente retenue qu'elle impose au gouverneur Ruiz, retenue qui ne s'applique en aucun cas à l'APPO. Les policiers d'état qui gardent l'accès au zocalo sont diminués à quelques-uns par entrée. L'APPO est de sortie et prête. Comme je passais par le centre, une certaine sonorité et un air d'expectative étaient de retour.