<i>"The Name of Our Country is América" - Simon Bolivar</i> The Narco News Bulletin<br><small>Reporting on the War on Drugs and Democracy from Latin America
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Narco News Issue #45

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À la conférence « Éthique et politique », Marcos définit en cinq points l’éthique du guerrier zapatiste

Dans son intervention, Fernanda Navarro explique que le projet zapatiste est de caractère émancipateur et, donc, un défi à ce système prédateur qu’est le capitalisme


Par Juan Trujillo
Depuis Mexico

30 juin 2007

À Cecilia qui se retirera bientôt
Retournera-t-elle au caracol de la Nouvelle Aurore ?
‘oj ch’ay b’a jk’ujoltik
spetzanil ja b’a kechan jb’an ke’ntik

jk’ultik

Mexico, 8 juin 2007. À la conférence « Éthique et politique », qui s’est déroulée aujourd’hui dans l’amphithéâtre Ernesto « Che » Guevara de la faculté de philosophie et de lettres de l’université nationale autonome du Mexique (UNAM), le sous-commandant Marcos a défini en cinq points ce qu’il appelle l’éthique du « guerrier zapatiste ».


Photos: D.R. 2007 Israel Solórzano
L’événement, qui a rempli l’amphi anciennement occupé par des collectifs d’activistes de gauche (le « Okupa Che ») depuis la grève universitaire de 1999, avait été initialement convoqué afin que d’importants intellectuels de gauche y assistent : le philosophe Luis Villoro et le sociologue Pablo González Casanova (ancien recteur de l’UNAM et qui a contribué à la signature des accords de San Andrés en 1995 entre l’Armée zapatiste de libération nationale et le gouvernement fédéral). Pourtant, pour une raison non transmise par les organisateurs, ces personnes n’ont pas participé et ont justifié de leur absence dans deux lettres envoyées au journal La Jornada. Il en est résulté une polémique sur la composition de cette table ronde d’universitaires, et aussi à cause de la présence du sous-commandant Marcos, car, depuis que l’historien et professeur d’université Adolfo Gilly a demandé à ce que « l’amphithéâtre Che Guevara soit rendu à la communauté universitaire », le chef rebelle ne s’était pas rendu sur les lieux.

Dans son intervention à l’École nationale d’anthropologie et d’histoire le 29 juin 2006, Gilly expliquait : « Je défends un espace public qui appartient à la communauté, et pas à un ou plusieurs groupes quelles que soient leurs idées, motivations ou raisons pour l’occuper depuis des années. […] Notre communauté a été dépossédée de l’usufruit collectif de cet espace, un bien commun qui doit être celui de tous. Étant à tous, la décision de qui a le droit ou non de l’utiliser ne peut appartenir à un ou plusieurs groupes d’occupants ni non plus à la seule volonté des autorités. Dans l’un et l’autre cas, c’est le totalitarisme et l’exclusion. […] J’en viens à demander deux choses aux compañeros de l’Autre Campagne et à toi personnellement. Que vous n’acceptiez pas de vous réunir dans cet amphithéâtre arraché à la communauté universitaire et que vous ne légitimiez pas ce mode de dépossession […]. »

L’amphi, qui contient un peu plus de 800 personnes, étudiants, militants et membres de différents collectifs adhérents à l’Autre Campagne zapatiste, se trouve jusqu’à aujourd’hui « démantelé », sans fauteuils ni ventilation ou lumière. Pourtant, cela n’a pas empêché la réussite de cette table ronde.

Peu après 11 h, la philosophe mexicaine Fernanda Navarro a commencé sa communication intitulée « Éthique et politique » où elle a soutenu que : « Nous pouvons dire que l’éthique se rapporte aux principes et a, par conséquent, un caractère universel. Il s’agirait donc de valeurs qui sont au fondement et qui orientent l’action humaine, la conduite humaine ». À ce sujet, elle a souligné qu’il y a « quatre [sic] exemples de valeurs éthiques universelles, nous les connaissons tous : la liberté, la justice, l’égalité. »

En contraste avec l’éthique serait, selon Navarro, « l’application et la pratique de ces principes et de ces valeurs dans une société déterminée, sa concrétisation dans un espace-temps spécifique. La Morale serait donc le champ où s’exercent socialement les principes et valeurs […] ».

Après un bref détour par les écoles de pensée philosophique dominantes qui étudient l’éthique et la morale, la chercheuse a expliqué que « l’affaire se complique, car puisqu’il n’existe pas de critères unanimes. Il y en a donc pour soutenir que la Morale peut revêtir un caractère doctrinaire, capable d’émettre valeurs et principes, décalogues inaltérables, universels et ahistoriques. »

L’important, c’est de « mettre à nu la condition humaine et de réduire en bouillie sa constitution » car « comme a dit un philosophe » contemporain, « ce n’est pas la raison, mais les sentiments et les émotions qui font passer l’homme à l’action », a-t-elle expliqué.

Elle a souligné que la politique est liée au pouvoir de par sa pratique de recourir à la force et à la violence ; de par le fait que la relation entre éthique et politique « constitue un défi à tout modèle de vie en société, d’organisation sociale, basée sur le respect des droits humains ». Sur ce point, elle a plus particulièrement critiqué l’eurocentrisme provenant de la Grèce antique et des thèses de Nicolas Machiavel, de Kant et de Rousseau. Néanmoins, avec Marx, elle a ajouté « une étape obligée et spéciale en signalant sa remarquable rupture — radicale et critique — avec toute la tradition idéaliste ainsi qu’avec les profonds effets éthiques qui se dégagent de ses textes économiques ».

« L’“Autre”, c’est le paria… »

La meilleure partie de l’exposé de Navarro fut lorsqu’elle a détaillé l’intérêt particulier des auteurs pour le thème de « l’Autre, pour l’altérité et, avec ceci, retourner à cette chose de “l’extrême Nord de l’être humain” en ajoutant le Sud […], un de ces philosophes, c’est Husserl » ; à propos de cet auteur, elle explique qu’il a contribué à la compréhension de l’Autre, « précisément, disait-il, en nous glissant dans sa peau, “nous glisser dans la peau de l’Autre”, attention ! pas dans sa maison ni dans ses chaussures (qui se mettent et qui s’enlèvent), mais dans sa peau, » a-t-elle dit.

Elle a montré l’importance d’un autre auteur, Emmanuel Lévinas, qui a critiqué la philosophie depuis les présocratiques jusqu’à Heidegger, et elle a démontré que ce penseur montre, « à mon avis, une grande affinité avec la pensée zapatiste, puisque, a poursuivi la professeure, l’éthique n’est pas qu’une simple branche de la philosophie, c’est la première philosophie. Le plan éthique précède le plan ontologique, dans l’être même des choses, dans leur essence. Il considère que la découverte du sens de notre existence a seulement lieu dans la responsabilité constitutive de notre être, il nous questionne et nous appelle à la justice, » a-t-elle détaillé.

Dans une allusion centrée sur l’« Autre », Navarro a expliqué qu’il s’agit du « paria, du pauvre, de l’orphelin, de l’exilé, de l’étranger, des victimes de l’exclusion et du mépris. À cause de cela, l’Autre ne se laisse pas enfermer dans un concept. Ce n’est pas le produit de la réflexion, mais de l’expérience […] le visage de l’Autre exige la justice, tel un impératif catégorique auquel nous sommes confronté, qui révèle l’infini de son humanité, de même que nous reconnaissons la dignité qui débouche sur une rencontre avec un droit antérieur à tout autre droit. »

Depuis cette ligne d’analyse, la philosophe a argumenté simplement que « dès le moment où l’Autre me regarde, je suis responsable de lui, qu’il existe ou non une réciprocité. En somme, sans un “tu”, il n’y a pas de “je” et vice-versa. Le visage de l’Autre à son tour nous met en relation avec un troisième et, du coup, la relation du “je” avec l’Autre glisse vers la forme d’un “nous”. »

En entrant de plain-pied dans la pensée zapatiste, Navarro a pointé le fait qu’elle ne provenait pas seulement de l’actualisation des thèses marxistes, mais également de l’héritage millénaire de la culture maya. À ce sujet, elle a expliqué que, en ce qui concerne les zapatistes, il s’agit « d’une éthique et d’une politique qui — à l’inverse de la tradition — ne surgissent ni ne proviennent d’une théorie, mais d’une pratique. Elles ne découlent pas de concepts abstraits et rigides mais de réalités existentielles qui, à partir de la concrétisation de la praxis, peuvent être théorisées… et dont les axes fondamentaux sont la liberté, la justice et la dignité ; valeurs qui ne sont pas prescriptives, au niveau d’un “devoir être”, mais qui sont exercées quotidiennement dans les caracoles, sièges des conseils de bon gouvernement où se pratiquent la forme de gouvernement la plus noble : la démocratie communautaire, la démocratie directe. »

« Un défi à ce système prédateur »

« Sans le proclamer, les zapatistes ont fait de l’éthique leur arme la plus puissante, a continué la chercheuse. En élevant leur projet d’émancipation au-dessus des lourdeurs de l’oppression, il en a résulté un défi à ce système prédateur qu’est le capitalisme… un système qui a poussé l’humain de la place centrale en lui substituant la marchandise », et, citant le sous-commandant Marcos : « C’est comme si, depuis 1994, “d’autres vents avaient déjà commencé à souffler des réponses et des espoirs”. »

Pour Navarro, un autre moment clé de la construction éthique du groupe rebelle a été lorsqu’ils « se sont prononcés contre la prise du pouvoir, ce qui a scandalisé la vieille gauche, entre autres. Depuis ce moment, il est clair qu’ils ont commencé à construire un nouveau chemin dans lequel la dignité apparaît comme un guide lumineux, comme un maître pour qui continue à mettre en pratique une éthique de la résistance malgré le harcèlement violent et quotidien exercé par les paramilitaires contre les communautés zapatistes. »

Dans la dernière partie de son exposé, la professeure a rappelé les sept principes zapatistes qui « mettent en évidence une nouvelle éthique politique : représenter, ne pas supplanter ; servir, ne pas se servir ; construire, ne pas détruire ; convaincre, ne pas vaincre ; respecter la différence ; commander en obéissant ; parler la vraie parole — c’est-à-dire faire correspondre la parole et l’action ».

Navarro a également pointé le fait que l’EZLN qui s’est soulevée en armes le 1er janvier 1994, comme une « armée de fous », ont donné beaucoup de leçons en tant que « fous lumineux armés d’espérance, qui ont su recommencer à unir, dans la pratique, l’éthique et la politique, si dramatiquement séparées durant des siècles. De cette manière, ils ont instauré une nouvelle forme de faire de la politique, avec un langage distinct […], en pratiquant une démocratie communautaire dans sa forme la plus directe : l’assemblée. »

En dernier, elle a expliqué que, aujourd’hui et au Mexique, à la différence d’autres moments historiques, il existe une « option éthique et politique capable de faire front à l’apathie morale dominante, capable de vaincre cette inertie de conformisme politique. C’est l’option engagée de l’Autre Campagne […], laquelle est une invitation à tous ceux qui ont une parole, une idée, un cri, une action dirigée vers la transformation de ce pays qui “n’en peut plus”. Le mot clé dans l’Autre Campagne, le plus révolutionnaire de tous, c’est le mot “organisation”. »

« Avec le capitalisme ou contre lui »

De son côté, le directeur de la revue Rebeldía, Sergio Rodríguez Lascano, a expliqué dans son intervention le concept créé par le sous-commandant Marcos de la « société du pouvoir, laquelle est un ensemble de directions qui ont déplacé la prise de décisions fondamentales vers la classe politique, laquelle est uniforme puisqu’elle partage des méthodes et des objectifs communs ».

Rodríguez Lascano a critiqué le postulat selon lequel « la politique est l’éthique de la vie collective » qui, selon lui, était la vision classique aristotélicienne unissant éthique et politique, mais « ceci s’appliquait aux hommes libres et non aux esclaves » ; c’est là, a-t-il affirmé, que se trouvait l’œuvre monstrueuse d’oppression et de domination.

De la même manière, il a expliqué que « reconnaître que l’éthique et la politique n’avaient cessé de se séparer est presque un lieu commun. Il est difficile de penser qu’il y a un concept éthique (entendu comme bien commun) derrière les actions de George Bush, de Felipe Calderón ou de l’immense majorité des politiciens traditionnels. Le problème, c’est de situer ce qui s’est passé ? Pourquoi en est-on arrivé à une situation aussi extrême ? » Pour cela, il a ensuite rappelé l’analyse proposée par la société du pouvoir.

Pour cet intervenant, « l’État a cessé d’être un régulateur entre les différentes classes sociales (pour le moins de manière apparente et quelquefois réellement) pour devenir un simple régulateur des flux d’investissement de la société du pouvoir. Il a cessé d’être un promoteur de consensus sociaux, la majorité des fonctions étant formulées et exécutées au bénéfice du capital, pour devenir un serviteur de la société du pouvoir ».

Sur le déplacement entre éthique et politique, il a critiqué la dépossession des habitants de Tepito, et, avec cette constante de l’exploitation capitaliste unie avec « le développement croissant de la dépossession, l’accroissement de la répression », il a expliqué que « le mépris nous interpelle sur une définition éthique fondamentale : avec le capitalisme ou contre le capitalisme ». À cause de ceci, il a ajouté qu’« il est impossible de rester à mi-chemin dans cette confrontation, encore moins à l’époque à laquelle nous vivons » ;

« L’éthique dans le cadre de la confrontation néolibérale doit partir d’une critique totale, complète et intégrale de la domination du capital. Encore plus si nous prenons en considération que nous vivons un processus de délocalisation de la main d’œuvre et d’investissement direct du capital. », a-t-il continué.

Le directeur de la revue Rebeldía s’est montré critique envers plusieurs secteurs de la gauche qui, « dans l’espace mondial, ont sacrifié sur l’autel de l’efficacité, du succès, de l’utilité marginale, leurs principes éthiques. L’idée que la seule différence avec la droite se situerait dans des objectifs à long terme, sur la nature de la propriété des moyens de production ou sur la répartition des profits […]. Quand la gauche commence à agir comme la droite, elle commence à disparaître. » À ce propos, et en ce qui concerne la différence entre la pensée de gauche et celle de droite, « c’est précisément sur le terrain de la politique, comprise comme éthique du collectif. C’est-à-dire qu’elle se situe dans la façon de se conduire au quotidien, dans un ensemble de propositions, de tactiques, de stratégies, etc. La divergence est totale, antagonique et irréductible. »

Dans la dernière partie de son exposé, cet éditeur a cité l’éthique telle que décrite par le philosophe marxiste, Adolfo Sánchez Vásquez, qui soutient que « l’homme est, pour Marx, en unité indissoluble, un être spirituel et sensible, naturel et proprement humain, théorique et pratique, objectif et subjectif. L’homme est avant tout praxis, c’est-à-dire qu’il se définit en tant qu’être producteur, transformateur, créateur ; grâce à son travail, il transforme la nature extérieure, se concrétise en elle et, à la fois, crée un monde à sa mesure, c’est-à-dire à la mesure de sa nature humaine. » Donc, a continué l’intervenant, « la fusion de l’éthique et de la politique n’est pas un problème théorique ou pratique, mais un problème théorique et pratique. L’endroit où ce problème se développe, c’est le collectif, tandis que cette fusion peut seulement obtenir des résultats si elle se réalise en relation avec ceux d’en bas, avec les “damnés de la terre” », a-t-il expliqué.

Enfin, en parlant des mouvements sociaux au Mexique qui agissent dans le temps, qu’il est temps maintenant d’arrêter la destruction, il a argumenté que « plus bas que bas […], où l’on ne voit quasiment rien, où personne n’habite, c’est là que se fait l’accord, c’est là que se conclut le marché. En bas et à gauche, l’endroit où se développe la fusion entre éthique et politique, où se construit le nouveau ».

Les cinq points de l’éthique du guerrier

Dans son intervention intitulée « Deux politiques et une éthique », en référence à la polémique surgie spontanément suite à l’acte d’occupation de l’amphithéâtre Che Guevara, le sous-commandant Marcos, a commencé par faire une violente critique de « ceux d’en haut » qui « nous offraient d’autres lieux “mieux aménagés”, ont-ils dit, “plus confortables”. Comme si l’éthique et la politique étaient une question de confort, et comme si, pour les zapatistes, le plus important était l’espace et non l’écoute que, généreusement, vous nous offrez ici. Et ceci, je l’écris avant de le dire, supposant que quelqu’un se présenterait à cette table ronde qui, pour être à la mode, occupe déjà le premier rang du barrage. Il ne manquait plus que la table elle-même soit un barrage. » En référence aux barrages de Pablo González Casanova et Luis Villoro.

Selon le sous-commandant Marcos, « nous avons choisi le thème de l’éthique, non seulement pour pointer son bannissement et son absence de la politique d’en haut, mais aussi de son acculement dans l’espace académique ; également pour faire remarquer ou pour pointer quelques pistes afin que, dans le travail que nous sommes en train d’ériger, s’unissent enfin la politique et l’éthique dans l’unique forme où elles puissent le faire, c’est-à-dire, en étant “autres” ».

À propos de la critique de l’académisme, Marcos a expliqué que « lorsqu’il s’agit seulement de la parole, il ne semble y avoir aucun problème à parler d’éthique et de politique. Il est possible d’écrire des livres, de donner des leçons, de faire des enquêtes, et, parfois même, de participer à des tables rondes. Pourvu que ce ne soit pas au Che Guevara ![…] ».

Pourtant, le rebelle s’est demandé « quand et comment l’éthique et la politique ont-elles emprunté ces chemins ? Le chemin aseptisé et médiocre de l’académisme pour l’éthique, et celui du cynisme et de l’insolence “réaliste” pour la politique. Quand les intellectuels progressistes ont-ils renoncé à l’analyse critique et se sont-ils convertis en tristes pleureuses des défaites et des échecs d’une partie de la classe politique qui porte la mort depuis déjà de nombreuses années ? »

Ceci, et d’autres critiques faites à l’UNAM, se retrouve dans le texte intégral qui peut être lu sur : EnlaceZapatista

La présence du sous-commandant Marcos à cette conférence a donné le ton à la substance du débat « Éthique et politique ». À partir des critiques de la « politique d’en haut », il a expliqué : « Nous le répétons, là-bas, en haut, il n’y a rien à faire, même pas des blagues. C’est pour cela que nous sommes ici avec vous. C’est pour cela que nous croyons — et pour nous, “croire” est un synonyme de “faire”, “faire” un synonyme de “lutter” et “lutter” un synonyme de “rêver” — qu’il est possible de construire d’autres façons de faire de la politique, et que son échafaudage principal, c’est l’éthique, une autre éthique. »

En d’autres occasions, le chef rebelle avait expliqué que « nous, les zapatistes, nous sommes des guerriers et des guerrières, ce qui implique aussi que nous ayons une éthique qui a peu ou rien à voir avec celle qui est enseignée, ou prétendument enseignée, dans les salles de classe, les livres ou les tables rondes qui contiennent des barrages, car c’est un engagement ».

Marcos, citant José Martí, quand le Cubain « avait dit une fois que le véritable homme ne regarde pas de quel côté on vit mieux, mais de quel côté se trouve le devoir », par conséquent, « maintenant, on pourrait dire que l’homme et la femme d’en bas à gauche ne regardent pas de quel côté ils vont selon les enquêtes, mais de quel côté se trouve le devoir. Et le devoir, pour nous zapatistes, c’est notre éthique, l’éthique du guerrier. »

Suivant cette éthique du guerrier, qui provient d’une longue expérience des résistances et de la cosmovision indienne en Méso-Amérique, Marcos a affirmé qu’elle peut se résumer dans les points suivants :

« 1- Être toujours disposé à apprendre et le faire. Voici les quatre mots fondamentaux du cheminement du guerrier : “Je ne sais pas”. Pendant que les “grosses têtes”, comme avait dit une fois le commandant Tacho, ont un avis sur tout et prétendent tout savoir, le guerrier se penche sur l’inconnu avec la même capacité d’admiration que l’on a devant quelque chose de nouveau […].

« 2- Être au service d’une cause concrète. Il ne s’agit pas de lutter pour des chimères ou de se tromper sur l’ennemi, la bataille, les défaites, la victoire. Nous savons qu’il y a et qu’il y aura des souffrances, et certaines sans aucun soulagement possible, comme la douleur de la mort d’Alexis Benhumea, notre compañero et étudiant de cette même université, assassiné par le gouvernement il y a un an […].

« 3- Respecter les ancêtres. La mémoire est l’aliment vital du guerrier. Notre histoire, c’est l’eau que nous buvons. Et pas seulement en tant que zapatistes, ni même en tant qu’Indiens, ni même en tant que Mexicains. Là où d’autres lisent et répètent des échecs, pour justifier des redditions, nous lisons des enseignements […].

« 4- Exister pour le bien de l’Humanité, c’est-à-dire la justice. Attention, je n’ai pas dit “pour prendre le pouvoir”, ni “pour obtenir des postes”, ni “pour passer à la postérité”, ni “pour résoudre d’en haut les problèmes d’en bas”. Je dis, en revanche, nommer et amener ici sur le chemin d’en bas cette autre grande absente : la justice.

« 5- Pour cette bataille que nous savons difficile et interminable, j’ajouterais que nous devons nous doter d’armes et d’outils qui n’ont rien à voir avec ce qui se trouve aujourd’hui dans les pages de n’importe quel périodique ou dans les journaux télévisés. Mais les armes et outils que sont les sciences, les techniques et les arts. Et parmi tout cela, l’arme de la parole […].

« Le plus important — et le plus oublié —, c’est que le guerrier doit cultiver la capacité de voir au-devant, imaginer le tout assemblé et terminé, prévoir les dessous et les creux du chemin, les contretemps et leur solution. Il doit être savant dans la lutte, en déterminant quels sont les points essentiels d’une situation, où doivent se concentrer les efforts et quels combats doivent être gagnés ou perdus. Dans notre éthique, donc, il s’agit de ne pas penser indignement, pour ne pas agir malhonnêtement. Apprendre toujours, toujours se préparer, connaître tous les chemins possibles, leurs pas, leurs vitesses, leurs rythmes. Pas pour tous les emprunter, mais pour connaître chacun, marcher avec tous et arriver avec tous […].

« Ce n’est pas aujourd’hui ni l’immédiat, l’éphémère, que nous voyons. Notre regard porte bien plus loin. Jusque là-bas, où l’on peut voir chaque homme et chaque femme se réveiller avec la nouvelle et douce angoisse de savoir qu’ils doivent décider de leurs destins, qu’ils vont traverser la journée avec l’incertitude que donne la responsabilité de donner un contenu au mot “liberté”.

« C’est là-bas que nous regardons, jusqu’au moment et à l’endroit où quelqu’un offre quelque chose à quelqu’un. Et c’est si loin que l’on n’arrive pas à distinguer si c’est une fleur rouge ou une étoile ou un soleil qui est dans la main tendue […]. »

Peu après 12 h 45, par cette longue intervention, le sous-commandant Marcos a mis fin à la conférence. Aucune réponse, question, questionnement ou échange n’a été possible avec le public nombreux.


Juan Trujillo, correspondant de Narco News, est également étudiant d’Adolphe Gilly dans le cours de doctorant « Séminaire de thèse » de la faculté de sciences politiques et sociales de l’université nationale autonome du Mexique (UNAM).

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