<i>"The Name of Our Country is América" - Simon Bolivar</i> The Narco News Bulletin<br><small>Reporting on the War on Drugs and Democracy from Latin America
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Narco News Issue #43

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« Le Mexique ne finit pas à Tijuana »

Le délégué zéro édifie un bilan de l’Autre Campagne


Par Raymundo Reynoso
AMATE, nº 2 de trois

26 janvier 2007

Los Angeles, décembre 2006 (AMATE). Le 16 septembre de l’année passée, dans le caracol zapatiste de La Garrucha – Résistance vers une aube nouvelle – avait lieu la première session plénière de l’Autre Campagne. À cette cérémonie était présente une bonne partie du plancton majeur de la Commandanture Générale : Ramona, Susana et Esther, David, Tacho et Zebedeo. Ainsi que Moy, qui avant ce jour était connu pour son poste de maire, et qui réapparaissait sur la scène après plusieurs années de profil bas, présenté par Marcos comme le lieutenant colonel Moisés. Devant plus de 1000 adhérents à la Sixième Déclaration de la Forêt Lacandonne, et un nombre X d’observateurs, sympathisants, indécis et autres oreilles attentives, il revenait à Moisés d’annoncer qu’en accord avec les plans définis dans la Sexta, l’EZLN enverrait le Sup, cette fois en tant que délégué Zéro, parcourir les 31 états et le district fédéral du Mexique, « pour écouter les gens simples et humbles, qui luttent ».

À cette occasion, le lieutenant Moisés avait expliqué ainsi cette tournée : « Il est de notre devoir de parvenir à explorer le terrain où nous allons emmener les compañeros et compañeras de nos villages, nous sommes comme ça, nous, les militaires, il y en a toujours qui partent en avant-garde. L’avant-garde, c’est celui qui va au-devant et qui voit ce qu’il y a au-devant de ce terrain que nous ne connaissons pas pour le moment et la tâche de celui qui va à l’avant-garde consiste à détecter ce qu’il y a, s’il s’agit d’un terrain marécageux, pierreux, épineux, ou toutes autres situations qu’observe l’avant-garde et dont il nous informe pour savoir quoi faire et comment le faire. Nous savons que vous assimilez l’avant-garde à celui qui va diriger, ou à ceux qui savent comment il faut lutter ou à celui qui commande, et à ceux qui sont les Seuls, et qui ont raison, et ceux qui savent plus et mieux, et qui de ce fait, sont les protagonistes principaux… Nous, nous ne l’entendons pas ainsi, l’avant-garde pour nous, c’est comme, ainsi que je vous l’ai déjà dit, c’est celui qui part reconnaître le terrain, un terrain inconnu pour nous et où il est nécessaire d’aller pour continuer la lutte plus avant, ce travail nous incombe à nous, les militaires, l’exploration du terrain. Le travail d’avant-garde de reconnaissance du terrain de l’Autre Campagne va incomber au compañero Sous Commandant Insurgé Marcos. Il sera le premier à partir et derrière lui, nous irons aussi, à tour de rôle, pour abattre le travail… »

« Marcos, avait annoncé Moisés, partira sans armes. Ecoutez bien cela, avait-t-il dit, notre initiative est politique et démocratique, désarmée, le compañero sous commandant insurgé Marcos partira sans armes, notre lutte est celle des paroles et des idées. »

L’EZLN, sa commission Sexta, son délégué Zéro, maintiendraient inchangée cette condition. En contre partie, et tout au long de 2006, le gouvernement Mexicain a déchaîné une campagne de harcèlement, d’agressions, de viols et de répression en divers endroits du pays : San Salvador Atenco, Etat du Mexique, Michoacán et Oaxaca, pour ne mentionner que trois des cas qui ont monopolisé les horaires vedettes de la radio et de la télévision et les premières pages de la presse dominée par l’establishment politique et économique, tant au niveau national qu’international.

Dans ce contexte, ce qui devait être au départ un parcours de 6 mois – de janvier à juin – s’est transformé pour Marcos en un tour de force qui s’est prolongé jusqu’à fin novembre. Le délégué Zéro, lors de la première partie de l’entrevue qu’il a accordé à AMATE, a expliqué quelques uns des détails au sujet des événements évoqués plus haut et les actions qui ont été planifiées lors de son séjour inattendu dans la ville de Mexico.

Maintenant, dans cette interview, Marcos partage ses réflexions à propos de son parcours dans le nord de la nation Mexicaine, il détaille sa perception des différentes forces ayant une incidence sur l’Autre Campagne et revient sur un aspect que questionné et questionneur ont abordé tout au long de cette grande discussion : ses rencontres avec des Mexicains et des Chicanos qui vivent, travaillent et luttent au nord du río Bravo. C’est à dire, l’ « Autre Mexique ».

Le défi, ne pas créer l’hégémonie, ni homogénéiser
.

_ Tout au long de ton parcours, et après les innombrables rencontres réalisées avec les Autres Campagnes, tu as dû rencontrer des groupes qui manient des hypothèses divergentes, peut-être même en opposition, et ceci est prévisible jusqu’à un certain point. Que penses-tu de cela ?

_ C’est une tendance qui existe dans tout mouvement, même à l’intérieur de l’Autre Campagne. Créer une hégémonie et homogénéiser. C’est à dire, mon idée l’emporte sur celle des autres. Par exemple, si nous, nous disions que le plus important ce sont les peuples indiens, alors, ou tout le monde se fait indigène, ou il se passe ce qui s’est passé dans les Balkans, c’est à dire une guerre des races. Ou, de même, mon idée hégémonique est que ce sont les ouvriers qui priment, ici il y aura seulement des ouvriers et des paysans, et peu importe que tu sois femme, que tu sois vieux, que tu sois homosexuel, lesbienne ou indigène, tu dois rentrer dans ce cercle. Et donc essayer de tout uniformiser. Cette lutte, cette tendance existe dans l’ Autre Campagne, comme cela se produit dans quelque mouvement que ce soit, et l’Autre Campagne se doit d’être en lutte continuelle contre cela. C’est pourquoi nous disons que chacun conquiert son espace dans l’Autre Campagne et le défend. Je te donne un autre exemple. Quelqu’un nous racontait, avec un certain désenchantement, je ne sais plus si c’était à Ciudad Juárez ou à Tijuana qu’il avait entendu quelqu’un du Mexique, en voyant arriver ceux du nord du río Bravo, qui disait « Voilà les gringos » alors qu’il s’agissait d’une bande de Chicanos. Ajoute à cela qu’ils parlent à leur façon, un espagnol tarabiscoté ou avec beaucoup d’anglais. Cette remarque allait dans le sens que ce mouvement est celui de Mexicains, pas des Ricains, mais sans reconnaître que ce ne sont pas des Ricains, que ce sont des compatriotes. Ou mettons, même les visages pâles qui arrivent, mais qui sont sur une autre voie, pas la voie de l’American Way of Life, mais la construction d’une alternative aussi dans l’Union Américaine.

Cette remarque, « Ici nous sommes seuls, les Mexicains, et le Mexique finit à la frontière » est un symptôme d’hégémonie et d’homogénéisation. C’est pour cela que je disais à Tijuana, où commence le Mexique, et où finit-il ? Parce qu’au cours de la réunion, quelqu’un a dit : Bienvenue à Tijuana, là où finit le Mexique, et moi j’ai dit, minute, parce qu’ici il y a des gens de différents endroits, qui vont plus loin.

Donc, nous pensions que ce dont il faut faire la promotion dans l’Autre Campagne, c’est d’un débat riche et une exposition d’idées les plus étendues possibles. Que parlent les anarchistes, les communistes, qu’ils exposent, qu’ils démontrent, qu’il n’y ait ni gauchistes ni tendances qui se cachent dans des placards, mais qu’ils se montrent et que chacun dise « cet espace est le mien ». Et pour renoncer à créer l’hégémonie et à essayer d’homogénéiser, l’Autre Campagne a besoin de l’autre, l’autre existe, reconnaître l’autre pour que les hétérosexuels renoncent à voir les homosexuels et les lesbiennes comme des gens dont il faut se méfier. Ces paroles sont celles d’un sans-papiers de Chicago qui disait, je suis homosexuel, et dont la réclamation ne s’adressait pas au gouvernement nord-Américain. « Je demande à mes compañeros, nous disait-il, qu’ils aient confiance en moi. C’est ma préférence sexuelle, mais ça ne veut pas dire que je vais les trahir ou que je sois instable politiquement parlant ».

Ce sont des lieux communs qu’utilise la gauche au Mexique, je pense même qu’à une échelle mondiale, mais au Mexique, de façon certaine. Il ne faut pas faire confiance aux homosexuels et aux lesbiennes parce qu’ils sont aussi bizarres politiquement. Ailleurs, à New York, un sans-papiers ou un Chicano, je ne me rappelle pas bien, évoquait ce problème, nous n’avons pas confiance entre nous à cause de nos différences sexuelles. Alors, il faut reconnaître l’autre, il faut le reconnaître comme compañero. Et cela va signifier momentanément renoncer à l’hégémonie. Parce qu’en ouvrant un espace, on va assister à une lutte pour l´hégémonie entre les différentes propositions de gauche. Alors va ressortir, par exemple, que doit disparaître l’Etat ou qu’une dictature du prolétariat est nécessaire, ou qu’il faut un gouvernement de transition démocratique. Toutes les propositions qui se présentent vont essayer de dire, et c’est ce qu’il faut. Quand arrivera ce moment, il devrait y avoir à l’intérieur de l’Autre Campagne, à l’intérieur de ce mouvement que nous avons, une richesse culturelle et une capacité d’analyse suffisantes pour pouvoir décider depuis en bas, quoi, qu’est-ce qui se passe.

_ Les Mexicains, disons, ceux du dehors, ont participé avec enthousiasme à la consultation zapatiste de 1999. Seulement à Los Angeles, plus de 30 000 compatriotes ont répondu aux 5 ou 6 questions qui avaient été inclues au questionnaire de la consultation qui a été réalisée cette année. De même, ils sont venus en nombre significatif à la marche des 1111, en 1997. Et sans aller plus en arrière encore, des nombreux documents prouvent que depuis 1994, les Mexicains qui vivent aux Etats-Unis ont fait sentir leur présence dans toute une variété d’actions, projets, et soutien autour du mouvement zapatiste. Mais c’est comme si on percevait toujours un certain éloignement – et nous ne faisons pas référence à la géographie, en fin de compte, tu as pu te rendre compte de cela, comment la race parcours ces routes d’ici à là-bas et de là-bas à ici sans répit – en ce qui concerne l’identification et l’acceptation pleine de, et je te cite, « cette entité qui grandit avec une identité propre au nord du río Bravo, l’Autre Mexique », qui est bien sûr le titre d’une chanson des Tigres del Norte. Que dirais-tu, toi ? Il y a un éloignement, une incompréhension ? Tu as prononcé il y a peu le mot méfiance. Cette perception est-elle réelle ?

_ Regarde, nous sommes en train d’apprendre et nous pensons qu’avec nous, l’Autre Campagne apprend aussi. Nous avons rencontré des identités que nous ne connaissions pas et nous apprenons à écouter le « voilà ce que je suis et où je suis » de ces identités. Notre contact avec les communautés Mexicaines et Chicanas de l’autre côté, avant l’Autre Campagne, c’était leur aide, soit pour diffuser, soit pour faire des provisions, soit pour se procurer des choses, non ? Mais la présentation n’avait jamais été si formelle ou sérieuse. Parce que c’était toujours, si tu me demandes, bon alors, moi je peux te contacter par le biais de tel groupe ou je peux lancer une campagne ou je peux faire une dénonciation devant le congrès Américain, mais ce n’était pas cette idée de, ça, c’est moi, je me trouve ici, cette histoire est la mienne, ces aspirations-là sont les miennes et ce rêve est le mien. Il n’y avait pas cette histoire racontée par chacun. C’est à dire, je suis Mexicain, ou je suis Chicano ou je suis sans-papiers. Je suis une autre réalité, d’autres aspirations et mon rêve est celui-ci et mon rêve n’est pas seulement que toi tu vives dans la paix et la dignité dans les montagnes du sud-est Mexicain, c’est d’avoir ceci, et que nous soyons compañeros.

Et alors nous avons commencé à découvrir que de la même façon qu’il y a un arc-en-ciel dans les villages indiens, il y a un arc-en-ciel dans cet Autre Mexique au nord du río Bravo. Par exemple, cette dispute du nom, nous sommes Chicanos, ou nous sommes Mexicains ? S’il s’agit d’une réalité à part, ou s’il s’agit d’une même souche qui a étendu ses racines jusque là-bas ou s’il s’agit d’une autre vie et d’un autre monde. Par exemple, la situation des sans-papiers, rester avec les pieds des deux côtés, dans l’Union Américaine et de là où il vient, parce qu’il continue à envoyer de l’argent, et en plus il revient rendre visite. Nous, nous ne pouvons pas faire comme le gouvernement, nous parlions de cette race, une situation pourrie, parce qu’ils portent le poids de l’économie nord-Américaine et de l’économie Mexicaine, c’est à dire que ceux qui travaillent de l’autre côté soutiennent les deux économies. Dans le cas du Mexique, le pétrole les aide encore un peu, mais en réalité, ce sont les sommes envoyées aujourd’hui qui font le poids. Nous, nous ne pouvons pas le réduire à un aspect économique, il y a une réalité là-bas, une douleur, une résistance, et il faut reconnaître cela et nous pensons que cette tournée n’est qu’un début pour casser cette distance.

Nous nous sommes senti plus proches de Los Angeles que de certains quartiers de la ville de Mexico, mais le contraire n’était pas valable. Au mieux, pour beaucoup de Mexicains de l’autre côté, le Chiapas était aussi loin que l’Irak ou le Vietnam, et en ce sens, il leur importait peu de se procurer des dollars pour les communautés indigènes ou pour les réfugiés du Moyen-Orient. Et nous pensons que maintenant que nous commençons à apprendre à dire compañero, compañera, nous rétrécissons cette distance et nous la diminuons petit à petit. Mais cela a beaucoup à voir avec un contact direct, personnel. Nous disons qu’il faut aller à l’endroit où ils se réunissent, où ils travaillent, pour apprendre leurs coutumes. Nous avons moins bataillé parce que le Spanglish ressemble beaucoup à l’Espatzeltal. Mais cette connaissance directe manque. Si l’EZLN peut être le pont interne, non plus pour que le reste du pays connaisse les communautés indigènes, mais pour que le reste du pays ou du monde se connaisse lui-même, en bas, où il se trouve, avec le prétexte qui soit, une cagoule ou une lutte indigène et une montagne qui se trouve loin ou près selon d’où on la voit, ce serait génial.

_ Tu dis que maintenant tu possèdes une connaissance plus directe et plus accomplie de la race au nord du río Bravo, en comparaison avec ce qui s’est passé au cours des années précédentes ou des étapes antérieures, qui étaient fragmentaires, unidimensionnelles. Tu as évoqué déjà les Mexicains, les Chicanos, les sans-papiers. Mais cette composante à laquelle tu as également fait allusion, les Américains, les Internationalistes, de quelle façon les vois-tu inclus dans ce que tu as décrit ?

_ Ce que nous avons vu là-bas, c’est que ces gens, ceux que nous avons connu directement, ils sont impliqués dans le travail d’accompagnement de la lutte dans leur pays, mais pour le moment n’apparaît pas le travail de leur réclamation propre. C’est à dire, mon histoire (celle des Américains) c’est que je soutiens les Chicanos, les sans-papiers. Je parcours le désert, et je laisse de l’eau pour ceux qui font la traversée, et je leur donne des conseils d’ordre légal quand ils ont des problèmes. Mais leur identité propre fait toujours défaut, en tant qu’anglos, ou je ne sais pas comment on les désigne là-bas, et leurs réclamations, qui doivent leur être propres aussi. Je crois qu’ils ne trouvent pas encore leur place à l’intérieur de l’Autre Campagne. Je suppose qu’ils se disent, d’une façon ou d’une autre, cette place-là n’est pas la mienne, je suis moi, d’un autre pays, d’une autre réalité, ma place réside dans la Sexta Internationale, là oui, nous pouvons nous retrouver, et parler. Nous autres, nous avons l’espoir qu’il en soit ainsi, parce qu’il y a un manque, certainement.

C’était peut-être une question d’ambiance, on débattait du thème du Mexique au nord du río Bravo. Ces compañeros et compañeras disaient donc, oui, moi j’accompagne, j’aide, je me confronte à ce problème de ce côté. Et enfin, qui je suis moi, comment je vois l’Union Américaine, sa culture, sa culture démocratique, le racisme qu’on perçoit, pas seulement contre ceux qui viennent du sud du río Bravo, mais du dedans même, ses problèmes propres, qui ne sont pas ceux des reportages ou de ce que divulguent les médias, ou de ce qu’Hollywood dit de lui-même quand lui prend un élan d’autocritique, tout ceci manque encore. Pourvu que cela soit dans la Sexta Internationale que tout ceci prenne place, parce que ce serait cool que nous puissions construire une relation de compañeros et que nous puissions, je ne sais pas, envoyer du maïs à l’Université de Berkeley ou quelque chose qui soit inversé, que eux disent eh bien, non, (les indigènes) ne sont pas des gens dans le besoin, ce sont des êtres humains en lutte, et si nous en tant qu’étudiants, nous soutenons tel mouvement et on nous réprime, eh bien eux aussi vont nous soutenir. Note bien, et ceci ne s’est presque pas su, au-delà de leurs organisations, mais nous avons essayé avec Mumia Abu-Jamal et Léonard Peltier, nous nous sommes solidarisés avec eux, et avons exigé l’annulation de leurs ordres d’exécution, mais des actions comme celles-ci ne reflètent pas encore le reste.

_ Parlons du système politique Mexicain, de son franc processus de décomposition et de sa répercussion sur l’Autre Mexique.

_ Nous pensons que le processus électoral a provoqué une espèce d’image holographique du Mexique qui ne correspond pas à la réalité. C’est à dire, le processus électoral et la lecture effectuée par les médias ont simulé un pays divisé de la même façon que la frontière et la migration simulent deux pays, dans le cas des Etats-Unis et du Mexique – et cette polarisation a attiré l’attention des gens dans le monde, avec ce conte du nord peint en bleu et du sud peint en jaune, de la même façon que ce conte donne le problème des sans-papiers comme étant uniquement un problème de papiers, et non pas de toute la culture du racisme et les conditions de travail qu’ils doivent affronter. Une indigène sans-papiers de New York nous racontait et disait, mais, mon mari me bat et je ne peux pas porter plainte, j’ai besoin des papiers sinon on va me déporter. Ici se trouve le problème, la culture qui fait qu’on frappe cette femme. Toutes ces questions-là ne se posent même pas. Ou encore, le mouvement qui a fait marcher dans la rue (aux Etats-Unis) plus d’un million d’immigrants, les médias l’ont posé comme un problème de politique migratoire, et le débat se réduit à l’existence ou la non-existence d’un mur, l’existence ou la non-existence de papiers. Mais qu’en est-il de la culture dont nous ont parlé les travailleurs de l’autre côté, la culture de la répression, du dépouillement de la culture et de l’identité historique ou nationale, de l’exploitation, la répression, et, dont il ressort, ainsi que nous ont raconté les Mexicains et Chicanos qui ont les papiers, que même les papiers ne les affranchissent pas. Que se passe-t-il avec ceux qui sont nés là-bas, mais aussi ici, de par leurs racines, leur culture, leur langue, leur couleur et jusqu’à leur physique. Ils sont d’ici en fin de compte. Toutes ces choses restent cachées. Et en réalité, ce qu’a découvert l’Autre Campagne, c’est que c’est faux, le nord n’est ni bleu ni jaune, le nord est semblable à n’importe quelle partie de notre pays quand on le regarde depuis en bas.

Mais cette même attention qu’ont provoqué les médias nous dit, maintenant, il faut regarder en haut, voir ce que va faire Calderón, tout ceci, et il ne faut pas regarder en bas. Nous disons que l’Autre Campagne doit se préparer à un vide pire encore que celui reçut durant le processus électoral et se risquer par le biais de l’autre réseau qui est en cours de tissage, à jouer le tout pour le tout, à se faire connaître et à s’exprimer par le recours aux médias alternatifs. C’est pourquoi nous avons dit à Palenque que la colonne vertébrale de cette étape allait être les médias alternatifs, parce qu’ils vont être le moyen pour nous mettre en relation les uns avec les autres, parce que tout ceci va continuer encore.

Et dans le cas des compañeros et compañeras qui sont de l’autre côté du río Bravo, cela va être fondamental. Dans ce sens, ce boulot d’aujourd’hui va beaucoup nous aider, mais pour le moment c’est seulement d’un côté. Nous avons besoin de savoir ce qu’il y a de l’autre côté. Au mieux, nous pouvons traverser comme des wetbacks ou nous pouvons continuer à nous voir sur la frontière. Mais si vous aussi, vous faisiez l’effort de nous raconter votre histoire et nous disiez, comment vous ne pouvez pas venir à cause de la patrouille des frontières et de la Condoleeza (Rice, secrétaire d’état), voilà le matériel, les vidéos, les livres, cette histoire, où rendez-vous compte que vous allez rentrer dans ma maison, mon centre de travail, sur le fil où travaillent toute la race, et là vous allez voir.

Nous voulons qu’ils veuillent que nous les connaissions, enfin ! Je dis, moi, que s’il y a dans les boutiques de solidarité de l’Union Américaine des vidéos des communautés zapatistes, alors ce serait génial qu’il y ait dans les communautés zapatistes des vidéos des communautés de l’autre côté.

Alors, c’est ainsi que nous voyons les choses, dans les grands traits. En haut, ils vont continuer à se regarder dans leur propre miroir. De notre côté, le rôle des médias alternatifs, des gens qui y travaillent reste fondamental. Note bien, à un endroit, je ne sais plus lequel, je me suis battu contre les organisateurs parce que les médias n’étaient pas arrivés et il fallait commencer. Mais moi je disais, non, eux sont plus importants que moi. L’Autre Campagne, pour l’heure ne dépend pas de Marcos, elle dépend d’eux, des médias alternatifs. Imagine, même si moi je les écoute, ce qui va faire que leur parole voyage au loin, ce sont eux, et c’est pour cela qu’il faut se préoccuper qu’ils soient présents. Moi, au mieux, je peux ne pas être là, mais tu mets juste une photo ou une de ces images en carton pour faire la photo et ça suffit. Mais ce qu’eux vont réaliser, personne d’autre ne va le faire. Et nous pensons que cette étape se fait plus longue et commence à traverser maintenant avec cette idée de la consultation, avec les définitions basiques, et plus tard, quand on créera les grands noeuds , quand la commission Sexta s’attaquera à la prochaine étape, quand les autres commandants partiront et que nous, nous repartirons pour être plus longtemps, pas de façon permanente, mais pour des périodes plus étendues dans chaque zone – au lieu de passer un ou deux jours à chaque endroit – ainsi oui, lors de la prochaine étape nous nous attarderons 6 mois, dans le nord-ouest par exemple, pour voir les états du nord-ouest, et ceci pendant qu’une autre commission se trouvera dans les états du nord, et une autre dans le nord-est et une autre au centre, et ainsi nous nous diviserons et la possibilité de communiquer entre un noeud et un autre résidera toujours dans les médias alternatifs.

Pour l’heure, dans le cas de l’autre Mexique, ce qui s’est passé à Tijuana, à Ciudad Juárez, et au Nuevo Laredo, de sauter la frontière en profitant de la technologie, nous pensons qu’il faut continuer ainsi. Il faut chercher cela. Que toute cette créativité, ce génie et cette imagination qui nous a fait remercier ceux qui sont de l’autre côté durant toute la première partie de notre vie publique, c’est à dire du soulèvement jusqu’à la Sexta puisse aussi construire là-bas, je ne sais pas comment, je crois que c’est un travail qui vous incombe, maintenant oui, le boulot, il est là.

RR/PR
(La troisième et dernière partie de l’entrevue, qui aborde des aspects personnels du sous commandant insurgé Marcos, sera envoyée au début de la semaine prochaine.)

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