<i>"The Name of Our Country is América" - Simon Bolivar</i> The Narco News Bulletin<br><small>Reporting on the War on Drugs and Democracy from Latin America
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Narco News Issue #42

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L’Autre Campagne sur les terres des « narcocorridos » (chansons parlant de la drogue), du mythe à la réalité

Les témoignages depuis « en bas, à gauche » expliquent comment la guerre contre la drogue imposée par les Etats Unis a été un désastre pour le nord du Mexique


Par Dan Feder
L’Autre Journalisme avec l’Autre Campagne à Durango

15 novembre 2006

Un lieu parmi d’autres au nord du Mexique : au cours des deux dernières décennies approximativement, deux grands changements sont à pointer spécialement dans le nord du Mexique. Le premier : la maquila. Il s’agit de la mort des petites fermes qui auparavant parvenaient à faire vivre une grande partie de la population et l’explosion simultanée de l’industrie des maquiladoras (industries d’assemblage qui fabriquent de tout, des vêtements aux pièces mécaniques pour les compagnies étrangères, en majorité Américaines et qui profitent des salaires ridicules et des conditions de travail déplorables).

Le deuxième changement concerne le trafic de stupéfiants. Cette terre est celle qui nous a donné « la casa de la muerte » (la maison de la mort), une terre où les hommes politiques, la police Mexicaine et les agents anti-trafic Américains dansent le même ballet années après années, faisant et défaisant les alliances, cachant une fuite cependant que deux autres se forment, affirmant qu’ils luttent chaque jour plus dur alors même qu’il est de plus en plus difficile de faire la distinction entre les policiers et les voleurs.

Depuis début octobre, le sous-commandant Marcos s’est rendu dans différents états du nord du Mexique, pour écouter les habitants de centaines de communautés raconter leurs histoires et leurs luttes. Ce sont des luttes que lui et ses alliés de l’Autre Campagne veulent unir à la leur, en un soulèvement national, afin de créer un « autre Mexique », un pays construit depuis « en bas, à gauche », un pays libéré des gouvernements corrompus des différents partis politiques, des riches et de la domination des Etats Unis et des autres nations toutes-puissantes.

Difficile de passer quelque temps au nord du Mexique sans écouter parler de la guerre contre la drogue. En ces terres arides, désertiques et montagneuses, les chansons sur le trafic de stupéfiants gouvernent la radio populaire, et les rapports de corruption au sein de la police due à l’argent de la drogue ne surprennent plus personne.

Tout ceci a particulièrement intéressé la Narco Newroom : le moment où l’Autre Campagne (une initiative du mouvement zapatiste qui a été une grande source d’inspiration pour Narconews depuis le début) traverserait l’un des principaux champs de bataille contre la drogue, ce qu’elle a reporté depuis des années. Les témoignages que nous avons écouté lors du chemin de l’Autre Campagne, publiés ci-dessous, dépeignent des expériences et des perspectives très différentes, mais tous arrivent à la conclusion inévitable que la soi-disant « lutte anti-drogue » des gouvernements Mexicain et Américain est une vaste blague et que ce sont les hommes politiques et les riches qui se trouvent en réalité derrière le « problème » de la drogue.

Bruno, un organisateur de 19 ans de Ciudad Juárez a expliqué comment le commerce de la drogue se ressentait fortement dans sa ville :

Nous sommes soi-disant en lutte contre le trafic de stupéfiants à petite échelle, mais c’est une plaisanterie. Ils vendent de la drogue dans les maquiladoras, et le gouvernement aussi. Vous pouvez voir tous les trafiquants d’ici en allant au bar. Nous savons que de grandes familles sont impliquées… La famille Zaragoza Fuentes, qui disposait d’un monopole sur le gaz et sur d’autres industries, est impliquée.

Bruno a aussi noté un autre aspect de la relation entre l’industrie de la drogue et celle des maquiladoras :

J’ai travaillé un mois dans les maquiladoras. Les journées de travail sont longues, de neuf à douze heures. Parfois les travailleurs sont épuisés. Alors on vous propose des stupéfiants afin de pouvoir continuer à travailler. Je ne sais pas ce que c’est, mais c’est un comprimé bleu, parfois rouge. Ils l’ont proposé au personnel avec lequel je travaillais à l’usine.

Son témoignage nous rappelle les pratiques Espagnoles lors de l’époque coloniale en Bolivie et au Pérou, eux qui acheminaient des tonnes de feuilles de coca jusqu’aux mines pour les travailleurs indigènes, qui n’auraient pas pu supporter les longues heures et le manque de nourriture sans ces alcaloïdes stimulants. Il semble que rien ne change… Seulement maintenant, les drogues données par les chefs à leurs ouvriers sont beaucoup plus nocives.

Jesús González Rangel, paysan et activiste de gauche à Comarca Lagunera s’est exprimé lors d’une réunion des adhérents à l’Autre Campagne à Torreón, Coahuila, le 4 novembre :

Les hommes d’affaire construisent des maquiladoras là où se trouvent nos champs. Dans les écoles, on forme les écoliers pour travailler dans les maquilas. Et les entrepreneurs sont aussi des narco-traficants. La drogue est en vente partout, et tout d’un coup, la bière aussi.

Plus tard, il a discuté en privé avec l’Autre Journalisme et a approfondi ce qu’il avait dit au sous-commandant Marcos et aux autres partisans :

Les habitudes de la vie quotidienne ont changé avec l’arrivée de la politique néo-libérale. Ils ont réussi à détruire le noyau familial. Cet endroit a toujours été une zone de transit pour la drogue, mais nous avons vraiment commencé à en ressentir les effets dans nos vies dans les années 1988-1990. Il y a beaucoup de chefs de cartels ici, mais ils font partie de l’état… Nous nous sommes rendu compte que les dirigeants des maquiladoras sont liés au commerce de la drogue, et que le trafic de stupéfiants est de fait une politique de l’état. La Comarca est un endroit avec une forte conscience de classe, et les drogues se sont chargé d’en finir avec cela.

Lors d’une réunion publique, le jour d’après, dans le village de Gómez Palacio, dans l’état de Durango, le thème des drogues est encore réapparu. L’un des organisateurs locaux de l’Autre Campagne qui est monté sur l’estrade (et a plus tard parlé directement avec nous) était professeur dans une école publique nommée Gustavo Américo Oteo Oropeza, et a dénoncé ce dont il avait été témoin dans un lycée d’état (Cobaed), dans la municipalité voisine de Lerdo :

Dans cette école, le syndicat (du PRI) de travailleurs académique du lycée de Lerdo, Durango, ce syndicat gère tout un système de corruption, ils pervertissent les élèves, ils leur vendent de la drogue, ainsi qu’aux professeurs, il y a des professeurs qui consomment de la drogue, et bien sûr, le syndicat les tient à sa merci, alors ceux qui se révoltent face à ces abus… Des élèves ont été violées, et une est tombée enceinte, le secrétaire général du syndicat, Rogelio Torres couvre tout ça, et le gouverneur de Durango, qui est du même parti, le PRI, le protège. Cela fait douze ans que cela dure et personne ne fait rien.

Nous détenons des documents que nous avons envoyés au gouvernement fédéral, au Secrétariat Gouvernemental, parce que le gouvernement de l’état n’a rien fait du tout. Les fonctionnaires du Secrétariat d’Education Publique, malgré cette dénonciation complète, n’ont rien fait. Nous sommes allé plus loin, jusqu’au président Fox, et eux ont envoyé une lettre officielle demandant une enquête, mais ici le gouvernement d’état n’a toujours rien fait à ce jour.

Cela fait déjà deux ans qu’a explosé un mouvement social au cours duquel de nombreuses étudiantes ont été frappées par le directeur Próspero Hernández et par le secrétaire général du syndicat Rogelio Torres. Parce qu’elles ont assailli l’école, fatiguées de tant de harcèlement sexuel, et qu’elles ont dénoncés les abus. Cela fait maintenant deux ans qu’ils ont expulsé de nombreuses étudiantes qui ont osé se rebeller, se mobiliser, assaillir l’école, tout comme de nombreux professeurs, moi y compris. Moi aussi on m’a expulsé pour avoir dénoncé la corruption et avoir défendu mes élèves des griffes de ce syndicat de la drogue.

Dans la ville de Durango (capitale de l’état du même nom), lors d’une réunion organisée dans une école communautaire, il a été fait constamment référence aux problèmes liés au trafic de stupéfiants et à la consommation de drogues. L’école alternative se situe dans un grand centre de bâtiments occupés par des centaines de membres du Conseil de Coordination Ouvrier Populaire (COCOPO). Deux leaders du COCOPO ont parlé avec nous après la réunion.

« Ici, dans cette ville, il n’y a pas beaucoup d’options de travail » a expliqué Oscar Martínez, un des organisateurs les plus en vue de l’Autre Campagne à cet endroit. « Il y a beaucoup de trafic de stupéfiants dans la capitale, c’est la principale activité économique. Faites la comparaison avec Gómez Palacio, qui est beaucoup plus industrialisée que la capitale. Il n’y a pas beaucoup d’opportunités ici. »

Hilario Romano, également membre du COCOPO, a ajouté ses propres réflexions :

Bon, le trafic à petite échelle ici à Durango est protégé et dissimulé par les autorités mêmes. Nous avons pu vérifier que même la Direction de Sécurité Publique Municipale protège les trafiquants. Les ministères et la police préventive viennent seulement pour leur argent, et ne font rien du tout.

Ici, à Durango, on poursuit les jeunes qui veulent s’organiser. Alors là oui, ils font quelque chose. Quand ils voient que les jeunes commencent à se réunir en nombre important, ils réagissent car cela leur semble un danger. Et ils prennent la drogue comme prétexte.

« Cela m’est arrivé à moi. Est-ce que l’on t’as déjà mis en prison pour des fausses accusations concernant la drogue ? » a demandé un jeune surnommé « Mesh », organisateur de l’Autre Campagne dans la ville de Durango à ses compañeros.

« Oui, je crois qu’on y a tous eu droit à un moment ou à un autre » a répondu un autre membre des Jóvenes de Hoy (Jeunesses d’Aujourd’hui), un collectif punk-anarchiste de la ville. Ils travaillent avec des jeunes, sont actifs sur la scène musical et organisent des stands sur les marchés afin de diffuser des informations.

« Ici même à Durango a lieu la fabrication », a expliqué Mesh « d’une drogue qui s’appelle le Cristal. Elle est fabriquée ici même, et on manipule aussi la cocaïne, la marijuana, de tout. Ça, ça vient de l’extérieur. »

Mesh a continué :

Regarde, ce qui se passe à Durango c’est que les présidents municipaux des trois partis, PAN, PRD, PRI, tous trempent dans la drogue. Sextennat après sextennat. Le président qui vient d’être élu est de mèche avec le président sortant, dont on a pu vérifier, avec des preuves écrites, qu’il utilise l’addiction à la drogue dans ses fermes. C’est lui-même qui assure la distribution, c’est à dire qu’il a ses plantations, il est de mèche avec le président actuel. Il dispose de privilèges pour circuler avec ses camions de drogue mais il fait tout ça, comme tu dis, pour le capital, pour l’argent. La manière lui est égale, son but c’est l’argent, ça lui est égal si les gens se droguent ou non. S’il pouvait brasser de l’argent au lieu de la drogue, il le ferait, mais comme les gens ne consomment pas d’argent mais de la drogue, alors le voilà le bon plan de Durango. Et c’est pareil dans toute la république, de ce que j’ai pu entendre.

Parce que beaucoup de monde est en faveur de la légalisation de la drogue. Beaucoup, vraiment beaucoup. Nous, dans le collectif, nous sommes pour cette idée de libéralisation. De cette idée découle la libération du corps des personnes, le libre choix de se droguer ou non. Dans la mesure où cela n’affecte pas les autres. Ça c’est un thème fondamental pour nous. Et d’autre part nous distribuons des prospectus de prise de conscience sur ce qu’est l’addiction à la drogue. Nous proposons toutes les alternatives possibles, le straightedge, le végétarisme, un peu de tout. Nous expliquons aussi que la dépendance à la drogue est utilisée par l’état pour nous rendre imbéciles, pour faire de nous des proies faciles. Mais le but est surtout financier, pour le gouvernement de toute la république.

Le sous-commandant Marcos, utilisant son autre Moi, alias le « Délégué Zéro », continue de voyager dans le nord du Mexique, et ces histoires de corruption par la drogue et d’hypocrisie voyagent avec lui. Lors d’une réunion dans le village de Mesa de Palmira à Tlaltenango, Zacatecas, l’une des dernière à laquelle a pu participer votre correspondant pendant son voyage avec l’Autre Campagne, Marcos a raconté l’histoire d’une communauté indigène qu’il avait visitée à Sonora et qui, tout comme Mesa de Palmira, luttait pour continuer à travailler ses terres :

Des compañeros nous expliquaient que là-bas vivent les indiens Pimas à... Sonora, presque à la frontière de l’état de Chihuahua. L’un d’eux disait que sa terre était envahie par les dealers de marijuana. Il expliquait : moi, avant je plantais du maïs, des haricots. Maintenant, il n’y a plus que de la marijuana, et qui n’est même pas à moi. Mais quand l’armée débarque pour faire chier, elle vient me faire chier moi. Parce que les dealers font intrusion chez moi et plantent leurs cochonneries. Et quand l’armée vient, voilà Fox qui fait : nous avons combattu le trafic de stupéfiants. Ce n’est pas de notre faute si les gens ne savent pas se qui se passe sur leurs propres terres.

Tu crois que ces gens ne vont pas se battre? Assez d’être le dindon de la farce. Ils vont se soulever. Et plus loin que ça, parce que nous ne parlons pas d’armes, mais de mobilisation, avec les yaquis, et les mayos.

L’Autre Campagne, tout spécialement après sa tournée au nord, tient en ligne de mire autant les trafiquants que les guerriers de la drogue dans les villes de Mexico et Washington. Le soulèvement national à venir promis par Marcos pourrait changer de façon dramatique la guerre de la drogue comme nous la connaisons au Mexique.

À suivre…

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